Total Western, c’est un peu la réponse d’Eric Rochant à Jean-François Richet. Dans Ma 6T va craquer, Richet projetait sur l’espace des banlieues un fantasme négatif, annonçant pour après-demain une apocalypse que le film anticipait, sinon dans la bonne humeur, au moins avec le sentiment du devoir accompli. A ceux qui avaient dénoncé le caractère démagogique du propos, l’engagement partisan du cinéaste, accusé de ne pas distribuer la parole avec équité, il fallait opposer que Richet ne visait aucunement le réalisme, encore moins l’instruction civique hypocrite ; son film se voulait un brûlot politique, une manière de commencer la « guerre sociale » par les moyens du cinéma. Marxiste convaincu mais néanmoins cinéphile -espèce rare mais qui a existé-, Richet utilisait par ailleurs dans son film les codes de genres violents comme le western ou le thriller pour les inscrire dans un réel saisi d’emblée comme une matière « enflammable ». La séquence finale -fusillade-climax- était une citation explicite de La Horde sauvage et le unhappy-end violemment souhaité par Richet.
Plus joueur, plus naïf, plus maladroit, c’est-à-dire à peu près dénué de tout sens politique, Eric Rochant a donc nourri un désir assez proche de celui de Richet : définir un horizon cinéphilique et y inscrire quelques préoccupations sociales ; mais loin de faire parler la poudre avec une visée politique claire comme son camarade forte-tête, Rochant choisit le confortable second degré dit de Canal + et nous assène sans douceur et avec beaucoup de vulgarité une leçon de civisme bêtasse sur fond de parodique western spaghetti. Parodie de la parodie : Nul Western.
Retrouvant l’approche guédiguianesque déjà amorcée avec Vive la République -la France sociale dans l’échantillon représentatif-, Rochant ajoute ici aux bons sentiments un ton « branché » qu’on ne lui connaissait pas, version française et très tapageuse de la Tarantino Touch. Autant son précédent film tentait avec une sincérité maladroite mais touchante de pointer quelques vices de forme de la société politique et médiatique, autant celui-ci s’enfonce absolument dans le sordide télévisuel -voir la séquence lamentable de la torture- et le trash facile.
La phrase qui signe l’affiche du film -« J’en connais qui vont regretter leur cité »- ne marque pas seulement une distance ironique, un agacement très parisien pour la chronique sombre de la vie en banlieue ; elle est le sésame démagogique qui permet d’entrer dans le film de Rochant, la formule savamment composée qui sait lester une intention commerciale de quelques préoccupations sociales bon teint. Total Western est un film à la violence gratuite, outrancièrement gaguesque. Pris au sérieux, il est navrant. Comme rigolade, il est hypocrite. Comment disait l’autre déjà ? « Jusqu’ici tout va bien. » C’est à voir.