Si on ne le visionne pas à des fins masturbatoires, un film pornographique a souvent pour effet de faire ricaner devant le spectacle de l’intimité vue dans sa plus grande crudité. Tandis que le porno est partout, de la publicité jusque chez nos néo-philosophes, le premier film de Pablo Berger se focalise précisément sur cette difficulté à voir le plus profond de soi sur un écran.
1973. Dans l’Espagne de Franco, un vendeur d’encyclopédie en porte-à-porte se recycle en réalisateur de films X à la demande de son employeur. Pour la bonne cause : on est en pleine explosion des films nordiques, vendus comme des films pédagogiques sur le comportement humain. Problème, notre cinéaste amateur prend goût au 7e art, se rêvant en émule de Bergman tandis que sa femme découvre les plaisirs de la chair. Il n’y a pas une seule image salace dans cette comédie noire, et pourtant s’y distille une gêne pareille à celle ressentie quand on voit son premier porno. Sans doute parce que Berger, plus malin que Paul-Thomas Anderson et son assez proche Boogie nights, fait mieux le point sur son sujet : la frustration. Torremolinos 73, odyssée du ridicule d’un gentil couple, place rapidement dans l’inconfortable position de voyeur devant tant de misère humaine. Le film est plus proche de certaines comédies italiennes des 70’s que du style Almodovar, le cynisme d’un Dino Risi en moins. Pas le mordant. Torremolinos 73 est un film teigneux s’accrochant aux demi-teintes, entre réalisme d’une Espagne cloîtrée, et picaresque d’une inhabituelle aventure (le tournage d’une version X du 7e sceau). Résultat, on n’y rit pas noir mais gris.
C’est d’autant plus dérangeant que Berger a beau éviter de filmer une bite, il ne sait pas cacher le coeur du couple, espérant juste se sublimer au travers d’une vie par procuration. Un entre-deux maintenu jusqu’au final ambigu entre mélancolie et vision d’un bonheur aussi faussé que médiocre, mais probablement très représentatif du quotidien d’une Espagne qui connaissait au même moment deux Franco : le caudillo mais aussi Jess, figures finalement inséparables d’un pays alors en perpétuelles contradictions.
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