A la fois drame familial, histoire d’amour malheureux, thriller mou, conte réaliste sur un sympathique loser, plongée dans les recoins obscurs du monde coloré des corridas, filiation père-fils destructrice, Toreros diffracte toutes ses identités sans pour autant savoir se recomposer dans aucune. Des péripéties pas vraiment originales s’enchaînent et déroulent l’histoire d’un ancien torero grièvement blessé et écarté des arènes par la peur qui, une fois sorti de prison où il a croupi deux ans pour trafic de stupéfiants, se sacrifie afin de rembourser les dettes de son père, gouailleur irresponsable qui vivote grâce à de petites rapines.
La fascination mystérieuse de Manuel pour ce père égoïste et insignifiant, le lien indéfinissable et irrépressible qui le pousse au sacrifice servent de ressorts au récit, mais sont de simples prétextes narratifs. Bizarrement, ce comportement ne fait naître aucune curiosité chez le cinéaste. Eric Barbier se contente d’illustrer superficiellement quelques situations insignifiantes au potentiel émotionnel bien trop ostensible pour être digne d’intérêt : son ex-fiancée qui se marie avec un autre, ses anciens amis en route vers la gloire, son petit frère qui marche sur ses traces. Une vacuité que tente de masquer un décor qui lorgne en permanence vers la fantaisie. Ces éléments hétéroclites (un spectacle de corrida avec des nains, un dancing de banlieue, un mariage sur un terrain vague au milieu des lampions) tentent de faire émerger artificiellement un sentiment de perdition, mais contribuent plus fortement encore à la dispersion du sujet. Par sa position clé dans le rapport père-fils, l’impuissance de Manuel face au taureau (et la vindicte populaire qu’elle entraîne) marque un arrêt, malheureusement mal exploité visuellement, dans cette succession de scènes quelconques.
Reste donc le squelette d’un thriller, bien poussif car non réalisé comme tel, au cours duquel Manuel tente de sauver son père des griffes d’un usurier menaçant. Finalement, en voulant jouer sur tous les tableaux sans percevoir les exigences de chaque sujet, Eric Barbier livre un brouillon exploratoire et une compilation de scènes indigentes mal fagotées.