Une triplette de quinquas en mal d’amour s’élance en DS sur les routes départementales : difficile de trembler de désir à l’annonce d’un pitch doux-amer dévolu à gonfler d’aise les lectrices de Madame Figaro. Logiquement, l’enjeu consiste moins à révolutionner le road-movie franchouillard qu’à le teinter des préoccupations du cœur de cible. Rester belle et fraîche, séduire un trentenaire, reconstruire sa féminité malgré son cancer, se libérer des vieux cons machos : finalement moins road-movie qu’almanach pour rombières à bagouzes, le film se voit comme une pure leçon de choses, une méthode Coué pour aspirer au bien-être. Taquinée et flattée tout du long, la lectrice peut même rêver de jeunesse éternelle, voire d’être adoptée par ses amis les jeunes à coups de gerbes d’humour Canal + dernière période (Benoît Pétré, chef de feu la bande des Quiches, enfants mongolos des Robins des bois) et de reliftage yéyés par l’idole Keren Ann.
Passée l’idéologie, on passe naturellement à la forme, qui assouvit les fantasmes pragmatiques de décideurs télé soucieux d’emporter l’adhésion de ce public vieillissant. En trois mots, le titre condense toutes les intentions du film, Thelma et Louise pour le road movie féministe, Chantal pour la franchouillardise déconneuse d’un certain âge. Trois héroïnes moulées sans surprise sur l’image de leurs comédiennes : Birkin, franglaise lunaire, Cellier, cougar vulgaire, Jacob, humoriste dépressive. Chacune sa place, sa vanne, pas une scène pour secouer un peu leur CV : même un candidat de réal tv a plus de liberté de manoeuvre. D’autant que le principe du trio est intimement lié à une symbiose en marche forcée. Quand Cellier pleure dix minutes, les deux autres sont priées de l’imiter dans la foulée – sommet, un arrêt pipi dans une vaste casse, où les trois se soulagent successivement derrière le même pare-choc. Tout, ici, relève du rationnement, d’un égalitarisme éprouvant et un peu stalinien. Rarement film grand public n’a semblé aussi net et bien rangé qu’une maison témoin (un clip musical tous les quarts d’heures, toujours filmé au ralenti). Plus de place au doute, on n’a peut-être rien vu d’aussi tristement pavlovien depuis Hélène et les garçons.