John Boorman, ou grandeur et décadence d’un cinéaste. Après avoir livré une poignée de chefs-d’œuvre dans les années 60 et 70 (Le Point de non-retour, Délivrance), la carrière de l’artiste n’a cessé d’aller decrescendo. Entre fresques ambitieuses mais ratées (Rangoon) et projets inconséquents (le mal nommé Tout pour réussir avec Uma Thurman), l’auteur de Zardoz semble confirmer film après film sa perte d’inspiration, bien que son récent Le Général ait recueilli un certain nombre de louanges critiques. Gageons pourtant qu’hormis les irréductibles boormaniens de la revue Positif, personne ne criera au génie retrouvé à la vision de ce nanar chiantissime qu’est The Tailor of Panama.
Adapté d’un roman de John Le Carré, le film suit les péripéties d’Andy Osnard (Pierce Brosnan), agent secret vénal chargé d’espionner les tractations politiques et économiques qui se nouent autour du canal de Panama. Pour parfaire sa mission, Osnard a besoin des services d’une des figures les plus populaires du pays, un homme par qui des informations confidentielles sont susceptibles de transiter : ce sera Harry Pendel (Geoffrey Rush), tailleur de costumes dont la réputation n’est plus à faire et qui habille tous les notables des alentours. En menaçant ce dernier de révéler à son épouse (Jamie Lee Curtis) son passé trouble, Osnard va obtenir de précieux renseignements. Jusqu’à ce que l’émissaire, moins à la page qu’il n’y paraît, se mette à inventer les scénarios les plus extravagants afin de sauver les apparences. Ca sent les imbroglios…
Où Boorman veut-il en venir ? La question reste en suspens. Objet bâtard à mi-chemin entre parodie de films d’espionnage et fiction politique classique, The Tailor of Panama ne trouve jamais sa voie et plonge dans les brèches fictionnelles les plus laborieuses, bien aidé par deux acteurs qui rivalisent de cabotinage. D’un côté, Pierce Brosnan suintant la vulgarité dans son numéro d’anti-007 méga baiseur et obsédé par le pognon. De l’autre, l’innommable Geoffrey Rush, certainement le pire acteur au monde (même Kenneth Branagh ne lui arrive pas à la cheville), qui, dans le registre de l’hypocrisie teintée de couardise, accumule les regards et les gestuelles explicites, histoire de nous démontrer que la moindre expression, chez lui, passe forcément par la démonstration grossière. Déjà que le récit était balourd, ce duo pachydermique n’arrange rien à l’affaire et nous condamne à deux options : dormir ou attendre les apparitions sommaires de la toujours savoureuse Jamie Lee Curtis, que l’on aimerait bien retrouver dans un rôle à sa mesure, chez un tailleur plus habile.