Suite des aventures de Pierce Brosnan au pays du cinéma perdu. Après James Bond, Thomas Crown et une tentative d’exhumation ratée de La Main au collet (Coups d’éclat), voici The Matador, nouveau constat amer d’inadaptation au système actuel et cri d’amour pour une ère mythique, autant eldorado que supplice de Tantale. Car c’est davantage dans ce dernier registre que le film de Richard Sheppard creuse son sillon, renvoyant le glamour à une déchéance non dénuée d’autodérision. Enjeu fin comme du papier à cigarette, mais suffisamment tenu, le mérite en revenant autant à Brosnan dans son numéro habituel qu’au film lui-même, référence directe au cinéma de genre des années 70. Petit hourra, car rares sont les occasions où l’acteur ne se sent pas seul.
La solitude, c’est justement le grand sujet de The Matador, tueur professionnel à mi chemin entre Warren Oates et Steve McQueen, usé par le métier, l’alcool et les femmes qui au soir d’un contrat à Mexico s’épanche sur un aimable quidam (Greg Kinnear) pour ne plus le quitter. On imagine la suite, qui effectivement se déroule comme un tapis rouge : fascination mutuelle pleine de quiproquos et d’effrois (normalité et vie de famille pour l’un, toute puissance et goût de l’aventure pour l’autre) qui se transforme in fine en amitié virile. Déjà présente sous sa forme la plus grossière dans Coups d’éclat, l’homosexualité latente qui lie les deux personnages est nettement plus réussie. Cela tient autant à la lubricité décadente du personnage de Brosnan, gros baiseur de femmes, qu’à son sex-appeal intact de prédateur félin, Kinnear restant de bout en bout subjugué par la grâce de son partenaire.
Un désir partagé par le spectateur, sans cesse appelé à l’identification et au fantasme. Une scène géniale voit d’ailleurs le tueur rejoindre le foyer du quidam par une froide nuit enneigée pour une petite discussion intimiste où l’épouse se joint à la fête avec gourmandise, grisée par l’alcool et l’excitation du danger. Mais la parodie fait baisser la température, ramenant le film à sa fonction première de gaudriole et casser l’image de James Bond. On pourrait le regretter, pourtant non, la dérision agit tel un voile de pudeur, un aveu d’impuissance qui consacre une modestie toute Brosnanienne. Comme si le grand film sérieux tant désiré ne pouvait jamais se faire.