Le cinéma fantastique anglais est en pleine bourre, on le sait, on le voit depuis quelques temps. Après The Creep et Shaun of the dead, voici The Descent, à coup sûr le meilleur d’entre tous. Une poignée de jeunes femmes casse-cou se lance dans une expédition spéléologique douteuse au coeur des Appalaches. Résultat cauchemardesque : non seulement une voie souterraine s’effondre derrière elles et les coince au coeur de la terre mais une armée de créatures vivant là se mettent à les traquer sans répit. Scénario basique, récit en pente raide, fluidité absolue de l’horreur. Le film progresse par paliers, avec à chaque fois l’impression de descendre un peu plus bas dans la sauvagerie : ouverture et mise en place d’un réseau d’amitiés visiblement pourri par les tensions et le secret (un deuil autour duquel s’organisent les rivalités), situation de panique faisant monter la tension, état de survie enfin qui permet à chacune des survivantes de relâcher énergies et pulsions primales.
Rarement film d’horreur aura à ce point maîtrisé un matériau si primitif, jouant de toutes les phobies possibles (noir, vide, claustrophobie) sans pour autant se charger de toutes les références qu’un tel film appelle. Les clins d’oeil pleuvent mais ne sont là que comme garants de lucidité, laissant le film élégamment ouvert sur lui-même : une coque d’effroi et de tension. On pourrait regretter certaines facilités de scénario, notamment cet accident initial qui transforme l’odyssée des garçons manqués en métaphore affabulatrice du deuil et du manque (comment renaître au monde après avoir perdu mari et enfant), mais l’intelligence du cinéaste vient là encore de sa manière de réduire cet aspect à sa dimension la plus concrète, la plus sadique, une sorte d’étouffement supplémentaire des capacités de résistance du spectateur. Ainsi lancé, The Descent ne fait que gagner peu à peu en intensité, jusqu’à ce prodige du dernier tiers où n’importe plus que l’affrontement direct avec les créatures, résidus atrophiés d’une humanité rivée à son existence cavernicole : nudité absolue du mal, prédateurs qui ne se déplacent que pour dévorer ce qui se trouve à leur portée.
Marshall développe son sujet avec une simplicité de maître, jouant de toute une gamme d’effets, du caché au survisible, de la traque à l’affrontement à mains nues, de l’attente à l’explosion gore, en maintenant une intensité prodigieuse. La maîtrise d’un espace essentiellement nocturne, le découpage et sa rythmique de plus en plus binaire constituent peut-être, à ce jour, la synthèse la plus épurée de ce vers quoi tend l’horreur contemporaine, tant dans sa volonté de renouer avec une simplicité dégagée de toute distance critique (Blair witch année zéro) que dans cette offense constante et volontiers irrespectueuse du spectateur. Lorsqu’il se met à dépoter (fracture ouverte ou déluge grand-guignolesque de terreur), le film brise tout contrat, tout pacte avec son spectateur : c’est la chose la plus admirable du film, une manière de s’échapper des zones connues qui l’ont fécondé (et que Marshall ne renie à aucun instant, de Carrie à Evil dead) pour plonger dans une sorte d’espace mental à la logique autonome : apparitions, figement, fulgurance, plus d’autre question alors que de savoir où, quand, comment le mal va prendre forme ou se manifester. Une éclatante réussite.