D’après la tête de Clooney, The Descendants est un drame. Le sourcil est moins sinusoïdal que d’habitude, le visage peu élastique, la moue plus affalée. Depuis son accident de hors-bord, la femme de Matt King est dans le coma. Le paradis hawaïen où ils vivent perd drastiquement de son charme, vu depuis la chambre d’hôpital. Lorsque le médecin lui annonce qu’elle ne se réveillera sans doute jamais, Matt, accablé, prend conscience qu’il devra en outre se coltiner les crises de début et de fin d’adolescence de ses deux filles. Alexandra, la plus grande, lui apprend alors qu’Elizabeth le trompait avec un quelconque agent immobilier. Coincé entre sa peine, sa famille et un dilemme patrimonial, il va devoir se redéfinir à travers les turbulences.
En dépit des apparences (Clooney) et du pitch, Alexander Payne (Sideways) s’évertue à éloigner son spectateur de la tristesse contenue potentiellement dans son film : c’est par leur versant comique que sont généralement abordées les situations. Après un départ intéressant, où les personnages laissent parfois transparaitre une violence morale incontrôlée (notamment dans une assez belle scène où Matt retourne sa colère contre la meilleure amie de sa femme), The Descendants prend rapidement une consistance drolatique un peu discutable. D’abord, et c’est le moindre de ses défauts, en laissant Clooney reprendre les habits du clown fantasque qu’il a toujours été. Pour une fois, nous l’avons dit, c’est moins par son visage, moins directement aussi par son corps seul qu’il laisse paraitre son naturel burlesque, et davantage en se servant de ce qui l’entoure. Un buisson est l’occasion d’un épiage glissant et cartoonesque ou des chaussures mal mises, d’inventer un pas de course ridicule.
Si Payne s’était contenté de désamorcer chaque situation pathétique par un comique in situ, des astuces et de l’invention, le film eut été autrement plus juste. Seulement, il n’est, par ailleurs, jamais franc dans le drame. C’est dans la forme de la comédie classique et une sorte de magie psychologique que se résolvent toutes les situations. Une fois établi le mal être des filles (une séquence et demi chacune), il est évacué sans délai, afin qu’elles puissent jouer leur rôle de complice idéale de la petite aventure de Clooney. C’est à se demander où va ce film, ce qu’il raconte, s’il n’est pas condamné à voir cette famille renouer ses liens sur le dos d’une mère végétative, incapable de se défendre de ce dont on l’accuse. Il s’en faut de beaucoup donc – et d’un peu de bonne foi surtout -, pour que cette langueur balnéaire (bande son façon Fip), ces tentatives rapidement contemplatives, cette greffe de burlesque sur le drame prennent.