Au tout début, on s’étonne : Teeth, à contre-courant de la plupart des films de campus, montre des adolescents qui ne veulent pas perdre leur virginité. Dawn (Jess Weixler) milite pour l’abstinence, elle est très mignonne et tombe amoureuse. Quand elle découvre qu’elle a un « vagina dentata » (désignation mythologique pour sécateur de pénis), elle qui avait peur de la sexualité a maintenant peur d’elle-même. Tant que son organe n’est pas envisagé du point de vue de ses victimes potentielles, tant que l’histoire de Dawn se cantonne à sa possible guérison par l’amour, tant que le ressort « film d’horreur » s’applique à elle-même (qui se fait horreur) plutôt qu’aux autres, la piste initiale, assez cronenbergienne, tient la route.
Malheureusement, ce qui a été choisi n’est pas sérieusement traité, et très vite il n’en reste rien. La découverte horrifique de Dawn se fait dans la psychologisation convenue (gros plans du visage de l’actrice en guise de remplissage), les scènes d’horreur ne sont tout simplement pas filmées (on n’en voit que le résultat). A peine confronté à la difficulté, Lichtenstein zappe et se reporte sur d’autres pistes. Au milieu du film, il y a celle d’une sexualité masculine systématiquement brutale et agressive (en contradiction avec la piste initiale, mais qui s’en soucie dans cette entreprise de drague générale ?), en fin de film, il y a un retour sur celle du fantasme incestueux (de façon on ne peut plus lourde). Au fur et à mesure, le ton a changé : plutôt sobre et respectueux au départ, de plus en plus parodique et grotesque par la suite. Lichtenstein met le spectateur dans sa poche en provoquant de gros rires qui ne font que masquer la misère. A la fin du film, Dawn est devenue une grande séductrice qui jette des œillades de tueuse, grossièrement et cyniquement figurée en croqueuse d’hommes qui va sûrement faire le ménage dans un monde vraiment dégueulasse. Le petit papy qui tire la langue dans sa voiture est drôle. Mais à ce point de n’importe quoi faussement provocateur, on conclut que la piste initiale, plus décidément et secrètement provocante, a été noyée par les provocations m’as-tu vu de qui ne sait pas faire autre chose que diversion.