Réalisé par les créateurs de South Park, Team America est un objet a priori assez étrange : un film de marionnettes quand l’animation en 3D est devenu la norme, un film hirsute et cathartique, surtout, qui prolonge la veine trash de South Park tout en lui conférant une nouvelle tonalité, plus profonde et humaine. L’unité d’élite Team America, composée d’une poignée de membres mi-héros mi-branques, recrute un acteur de cinéma pour jouer les espions. Sa mission : infiltrer le repère de Kim Jong-Il, le diabolique dictateur nord-coréen, qui s’apprête à livrer des armes atomiques aux terroristes du monde entier.
Intrigue-prétexte, évidemment, qui permet à la joyeuse bande de voler dans les plumes de tout ce qui, de près ou de loin, possède un quelconque rapport avec l’actualité US et internationale : croisade anti-terroriste, peur de l’Arabe (les hilarants trublions de Ben Laden du début), indigence clownesque de la CIA, grande foire au ridicule et mise à mort des institutions les plus sacrées du pays. L’utilisation magistrale des marionnettes offre de jouer sur une remarquable ambiguïté entre burlesque (continuellement, une sorte de pantomime explosive et saccadée) et des effets de réel assez sidérants (la violence inouïe de la fin, quand une à une des stars hollywoodiennes bien connues se font dézinguer au bazooka). Le recours à des personnages bien existants (Ben Laden ou Kim Jong-Il, Sean Penn ou Alec Baldwin), étrillés à la moindre occasion, ajoute à la profondeur jouissivement équivoque du film.
Certes les réalisateurs peuvent se targuer de ne pas délivrer de grand message, tant aucun élément du film n’échappe à leur moquerie cannibale, mais tout de même : voir une telle tâche dans le panorama hollywoodien, une telle violence dans chaque niveau de représentation (gore et sexe obscène à la moindre occasion) relève d’une frontalité peu commune, imposant Team America comme fleuron d’une sorte contre-culture absolument pulsionnelle, loin de toute bonne conscience moralisante (voyez comme Michael Moore est joliment parodié). Manque peut-être une amplitude dans la conduite d’un récit extrêmement dense, mais la puissance des éclats, des coups et des gerbes lancées contre le grand-tout politico-médiatique contemporain demeure parfaitement réjouissante.