Auréolé par le succès public et critique de Western (le film reçut le prix du jury au Festival de Cannes 1997), Manuel Poirier, qui a entre-temps signé le beau documentaire De la lumière quand même, a bien du mal à renouer avec la fiction. La preuve en est, cette pénible adaptation du Dimanche d’août de Patrick Modiano. Initialement prévue pour novembre 2000, la sortie de Te quiero fut brusquement retardée suite aux échos désastreux provenant des premières projections réservées à la presse. Quelques mois plus tard, après un remaniement du montage effectué par Poirier lui-même, la version définitive sort enfin en salles, ni pire, ni meilleure que la première mouture…
Te quiero connaît d’abord un grave problème de rythme qui témoigne peut-être des difficultés que Manuel Poirier a rencontrées pour constituer un récit cohérent. Le film balance sans cesse entre deux voies dont la rencontre n’est jamais fructueuse. Si le cinéaste conserve l’intrigue policière issue du livre de Modiano -un couple tente de revendre un diamant volé au mari de la belle-, il lui adjoint une partie autobiographique dont la présentation est souvent maladroite. L’action de Dimanche d’août a ainsi été transposée à Lima, lieu de naissance de Poirier et de son héros, Jean, alter ego fantasmé du cinéaste. Te quiero se veut donc aussi le récit d’un retour aux origines qui se traduit chez Poirier par de longs passages à vide dans la narration où l’on suit le héros déambuler dans les rues, traîner au bar, etc. Le film baigne ainsi dans une langueur qui finit par contaminer le spectateur qui ne tarde pas à tomber dans l’ennui, vaguement concerné par les affres convenues dans lesquelles sombre le protagoniste.
De toute évidence, le réalisateur d’A la campagne n’est pas à l’aise avec l’ambiance délétère du roman de Modiano. Il confine le mystérieux à une série de clichés : des scènes de sexe pour signifier la passion qui unit les deux héros, les regards troubles de Sergi Lopez et Marushka Detmers, un peu de lesbianisme par-ci, un peu de femmes fatales par-là, le tout filmé de manière assez plate. Mais le plus grave réside peut-être dans la direction d’acteurs, inexistante. Les pauvres comédiens semblent laissés en roue libre, avec pour seule consigne d’en faire le moins possible, comme si l’impression de réalisme recherché par le cinéaste devait forcément provenir du minimalisme de leur jeu. Naît alors le sentiment que personne ne croit vraiment à ce récit, cocktail frelaté mêlant polar et thriller psychologique à deux balles…même pas Manuel Poirier.