De Seven, on croyait avoir vu toutes les photocopies possibles, de la plus sérieuse à la plus ridicule (palme sur ce point au jouissif Resurrection de Russel Mulcahy). Après Salton sea, DJ Caruso s’attelle pourtant à cette tâche impossible : recommencer une nouvelle fois le film de David Fincher. Malin, le cinéaste a l’idée du siècle : utiliser Angelina Jolie, ici profiler surdouée, comme un écran de fumée qui permettrait d’oublier tout le reste, intrigue foireuse, plagiat mal assumé, éternel retour de la pluie et des ombres découpées sur fond de filtres et de lumières savamment travaillées. Autre idée fabuleuse : utiliser les décors du Québec (le serial-killer est montréalais), histoire de donner au film un cadre exotique et sympa.
Cette seconde idée est le point le plus effarant du film, puisqu’elle légitime la présence au casting d’un trio français hallucinogène (Olivier Martinez / Jean-Hugues Anglade / Tcheky Karyo), vagabondant en groupe entre blagues triviales et impression de s’ennuyer ferme d’un bout à l’autre de l’enquête. Dindons de la farce, les trois bonshommes donnent à Taking live une épaisseur comique, un allant grotesque proprement stupéfiants. A l’inverse, Angelina Jolie parvient à se fondre dans l’ensemble avec une aisance qui change des rôles protubérants et synthétiques qu’elle avait tenu jusqu’ici : grâce de tous les instants, sérieux à toute épreuve, précision du geste, moues et regards incroyablement émouvants. Derrière elle, la cavalerie actor’s studio bat son plein : Ethan Hawke, Kiefer Sutherland et même Gena Rowlands ajoutent une touche très classieuse à la distribution. Etrange ronde à plusieurs vitesses, donc, où chacun y va de sa petite touche personnelle, tentant vainement de dissimuler le vide alentour.
Une fois épuisées les ressources du casting, reste le film. C’est-à-dire rien du tout, ni effet de petit malin ni suspense, juste le calme plat et un océan de clichés ronronnants (le serial-killer vole l’identité de ses victimes). Pas grand chose à tirer du style publicitaire de DJ Caruso non plus, tout juste une première séquence aimablement mystérieuse et coupante. Trop modeste et trop médiocre, sans aucun doute. Pas assez opportuniste, non plus : ce qui lui évite au moins de ne pas s’ajouter à la longue liste des petits cinéastes hollywoodiens m’as-tu-vu du moment, tels Joe Carnahan (Narc) ou Christopher Nolan (Insomnia). Même par défaut, c’est déjà ça.