Que ce soit dans son costume de comique carnavalesque ou dans la peau d’un réalisateur à fleur de peau assailli par des questions existentielles qui le torturent, Patrick Sébastien fait preuve d’une sincérité désarmante. Sans conteste, le bonhomme croit en ce qu’il fait et ne joue pas à l’artiste multicarte avide de toucher le jackpot sur tous les tableaux. D’ailleurs, pour éviter la confusion avec ses activités d’amuseur grand public, il n’hésite pas à plonger tout habillé (pas le temps de quitter sa tenue de bon bougre aux cheveux longs) dans les abîmes du vrai sordide. Manque de bol sa grosse paluche habituelle transforme ce qui se voulait être une fable réaliste en affabulation artificielle. Candide, Patrick Sébastien se satisfait de quelques outrances censées être édifiantes et d’une bonne bouffée de bon sens pour façonner le visage d’un improbable amour absolu. En pleine campagne, une jeune bourgeoise parisienne est violée par un idiot du village amoureux d’elle et inspiré par une scène d’amour sadomaso entre deux amants à laquelle il a assisté. Direction l’asile pour les deux jeunes gens qui auront la chance de croiser un docteur ès amours qui va remettre en contact ces cœurs purs en espérant une étincelle. Artiste de la truelle, Sébastien a besoin d’effets saisissants.
Sorte de Collège des cœurs brisés trash (sitcom télévisuelle extraterrestre dans laquelle un institut spécialisé soignait les bobos d’amour), T’aime récupère vulgairement une imagerie excessive (viol, mongolisme, folie, amour hors normes, meurtre) et soutient une thèse abracadabrante (l’amour d’une adolescente pour le trisomique qui l’a violée) pour tenter de donner du corps à un propos d’une mièvrerie exemplaire qui s’extasie béatement devant les vertus d’un humanisme naïvement transcendé, sans pour autant oser aller jusqu’au bout de cette logique et faire des deux protagonistes un vrai couple. Le film n’existe et ne progresse que par le jeu de ces exagérations rocambolesques mais loin de toute subversion, profitant de cette dramatisation constante pour surfer superficiellement sur des symboles et des oppositions primaires. Tandis que l’ultra-expressivité du mongolien (au visage pourtant tout à fait normal, séduction oblige) ne laisse aucun doute sur sa nature, la campagne « bonne comme le bon pain » joue contre la ville sournoise et avide, les soixante-huitards bonnards s’opposent aux avides affairistes. Et lorsque T’aime pense éviter la caricature, il l’aggrave : d’accord les asiles sont peuplés de débiles bien profonds, mais ils sont sympas, voire voyants (Annie Girardot, extralucide qui plus jeune a jeté son bébé par la fenêtre).
De toutes façons, peu importe, le plus important c’est l’amour. Pour louer ce sentiment roi (ici idéalement positif) que rien ne surpasse, Patrick Sébastien a fait appel au meilleur spécialiste français en la matière : Patrick Fiori. Ce peintre (en bâtiment), véritable double du psychiatre en moto qui parle avec son cœur, est chargé de passer la deuxième couche. Il s’exécute avec sa délicate ardeur habituelle (« Je t’aiiiiiiiiime, tu es mon seul thèeeeeeeme ») et immédiatement tout s’éclaire : cet amour de carton-pâte sauvera le monde. Mais pas le film.