Il n’est souvent rien de plus douloureux pour une oeuvre que de se voir ériger en « film culte », tant cette encombrante étiquette finit par la recouvrir entièrement. Aussi la sortie en DVD du film de Melvin van Peebles permet de voir, sous ce voile d’adoration aveugle, un film de cinéma. Petit rappel historique tout de même : réalisé à l’aube des années 70 pour une poignée de dollars par un jeune cinéaste ayant travaillé en France (il y a tourné La Permission en 1968, co-écrit Slogan de Pierre Grimblat avec Serge Gainsbourg et Jane Birkin, avant de revenir récemment pour le décevant Conte du ventre plein avec André Ferreol et un rescapé des 2B3), Sweetback allait ouvrir une voie royale à la Blaxploitation, dont Shaft de Gordon Parks, sorti dans la foulée, serait appelé à en devenir l’emblème. De l’impact commercial du film de van Peebles, il ne reste rien aujourd’hui ; seule demeure -et c’est l’essentiel- la force subversive de ce brûlot contestataire et sans concession encensé à l’époque par les Blacks Panthers. Le cinéaste, jouant de tous les clichés liés à l’homme noir (la puissance physique et sexuelle, l’affirmation d’une contre-culture de la révolte : tout ce qui, précisément, terrifie les WASP) livre une mise en scène toute en énergie incontrôlée, inféodée aux lois traditionnelles de la narration. Il faut voir Sweetback non pas seulement comme un film « historique », mais aussi et peut-être surtout comme une comète charnelle, un A bout de souffle afro dans l’esprit de la ritournelle obsédant le naïf héros de La Reine des pommes de Chester Himes : « Tu cours, négro, tu les agites / Mais la police, elle va bien plus vite ! ».
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