Si avec Sweet sixteen Ken Loach se paye une sérieuse cure de jouvence en laissant enfin sur la touche sa traditionnelle équipe de quadras losers, le vétéran du combat prolo ne change pas une tactique qui gagne et continue d’occuper le terrain social. Ce coup-ci, il s’agit de Greenock, sorte de trou du cul de l’Ecosse, où le jeune Liam et sa bande s’activent comme ils peuvent, c’est à dire qu’ils enchaînent les conneries les unes après les autres tout en exerçant la seule activité commerciale viable dans le coin : le deal sous toutes ses formes. Ken Loach ancre son histoire dans le réalisme local en coulant les fondations de son film dans la terre même de la région. Au point de recruter parmi les habitants de la ville une bonne partie de ses nouveaux joueurs, depuis les figurants jusqu’au au rôle principal. Et dans la peau de Liam, le jeune Martin Compston, à l’assurance et au naturel confondants, justifie avec panache cette première sélection qui en appellera certainement d’autres. Sur les traces de ce juvénile héros, Ken Loach quitte l’herbe piétinée de la dénonciation bien pensante pour s’aventurer vers celle plus verte de la chronique adolescente.
Dans un contexte difficile, le souci primordial du jeune héros sera de mettre sa mère à l’abri du besoin autant que de son beau-père, une petite frappe pas très futée qui vivote de trafics minables en exploitant sa compagne, envoyée en tôle à sa place et utilisée comme fournisseur de dope pour les détenues. Guidé par cet amour irraisonné pour sa mère (malgré les avertissements de sa sœur qui a déjà pris ses distances), Liam espère hisser sa clique hors des bas-fonds dans lesquels tous ses membres croupissent. Il gravit ainsi avec professionnalisme l’échelle du crime jusqu’à prendre la tête d’une filière de drogue. Le cinéaste suit pas à pas l’évolution de cette obsession qui projette l’ombre trompeuse d’une mère idéale. Un repère maternel par défaut, bien plus pur que le lien mère-fils authentique qui finira par s’imposer à lui pour le laisser pantois et désorienté. Car l’étrange beauté de Sweet sixteen naît de cet ultime contre-pied où le sublime élan d’un fils vers sa mère ne parvient pas à la détourner d’un homme néfaste, ni à ramener ses enfants au premier plan de sa vie. Une cruelle réalité qui reste douloureusement hermétique à Liam.