Si jamais Michael Moore et Johnny Knoxville sombrent dans l’oubli, ils auront au moins trouvé en Morgan Spurlock un fils légitime. Même culot, mêmes procédés nombrilistes et ludiques de mise en scène, un sens du spectacle affûté à l’extrême, la carrière de cet ancien de MTV prend la même tournure que ses aînés à casquette et skate-board. Immédiatement adoubé par le petit monde indépendant, son Super size me a fait couler tellement d’encre dans les rubriques société des canards en tout genre qu’il a fait trembler MacDonald’s, ennemi désigné du film, qui s’est enfin résigné à supprimer son menu le plus gras (et le plus rentable), le fameux Superzise.
Spurlock est donc un homme en forme. La trentaine resplendissante, élevé à la bonne cuisine de maman, il mange toujours équilibré sous les conseils avisés de sa copine, chef végétalienne d’un restaurant branché de New York. Pour prouver sa splendeur générale, rien de tel qu’un petit check-up filmé. Après les prises de sang, la pesé et autre toucher rectal, franchement tout va bien. Le voilà prêt à évaluer les dangers de la malbouffe qui mine ses contemporains via un défi simple mais radical : manger MacDo à tous les repas pendant un mois entier et s’abstenir de toute activité physique comme tout bon américain moyen. Quinze jours plus tard, le résultat dépasse les mauvais présages des médecins et les espérances dénonciatrices du cinéaste. Le foie en vadrouille, le moral en berne et la libido mollassonne, Spurlock concrétise les laïus abstraits des nutritionnistes. C’est la caméra, son corps, sa copine et ses analyses qui le disent : MacDo est une drogue qui consume le corps et l’esprit, l’abus de Big Mac plonge le consommateur dans une dépendance démente où entre deux déprimes, un vulgaire menu best of ranime l’appétit et la joie de vivre.
Certes, la méthode Spurlock a beau enfoncer une porte à moitié ouverte, son coté racolage actif titille la moindre parcelle d’hypocondrie enfouie au plus profond de notre (mauvaise) graisse. L’impudeur et la frontalité du cinéaste-performer agissent comme un scanner d’une précision remarquable : traquer le mal (le check-up, les analyses), enregistrer la moindre défaillance au jour le jour (moral et virilité à zéro). La fin du film, où Spurlock continue de s’empiffrer malgré les avertissements alarmants de ses médecins, s’avère une illustration extraordinairement subtile de la dépendance, mélange d’inconscience guillerette et de démence pure. Malheureusement, cela ne suffit pas au cinéaste qui greffe une investigation bateau à son brillant home movie. C’est la face Fahrenheit 9/11 du film, où Spurlock reste incapable de dénoncer autrement que par une causerie vanneuse. Très peu d’image, aucune créativité au montage : juste des micro-trottoirs stéréotypés et des statistiques animées pour faire plus fun et moins chiant. Un deuxième film dont le bonhomme aurait pu facilement se passer. Son taux de cholestérol a bien plus d’impact politique que ses coups de mégaphone.