Dans la série « petit cinéaste qui n’en veut », après Florient-Emilien Siri, voici Louis-Pascal Couvelaire. Sueurs est l’aboutissement de ce néo-cinéma de genre à la française initié par une poignée de fossoyeurs cyniques dont Luc Besson s’est fait le porte-drapeau. La puérilité de ce Mad Max revu et corrigé pour un public d’enfants gâteux fait pitié : on y trouve en vrac un méchant sorti d’un épisode trash des Schtroumfs (Jean-Hugues Anglade), un violent latino (Joaquim de Almeida), une fourbe Arabe et quelques jeunes premiers sortis d’une sitcom AB. Partis à la recherche d’un trésor en plein désert, ils sont armés de gros camions qui font la course et tentent, tant bien que mal, de survivre dans un monde impitoyable où l’on dévore tout cru les varans après avoir pris soin d’uriner sur des collègues trop ambitieux.
La notion de cinéma populaire à l’oeuvre ici évoque un no man’s land cinématographique sans attaches ni repères, une espèce de grand vide -le désert- à remplir comme on peut. Entre fantasme colonialiste (le Paris-Dakar comme seul horizon vacancier) et débilité infantile (« on va leur niquer ta race »), Sueurs souffre surtout d’une réalisation si faussement sophistiquée qu’elle ferait passer Michael Bay pour un apôtre du cinéma du réel. Couvelaire compense son impuissance à créer le moindre impact cinétique par une multitude d’effets de saturation. Proche d’une publicité Adecco travail temporaire, le film ne peut concevoir la moindre séquence sans une grand-guignolesque tendance au détraquement du cadre ou à la surenchère fumigène (filtres et world-music sous couvert de beauté exotique).
On peut se demander, à la vision d’une telle série Z, si Sueurs n’a pas servi de brouillon au Michel Vaillant qu’adaptera bientôt Couvelaire sur grand écran. Dans un tel cas, espérons qu’il sera encore temps pour les producteurs de faire marche-arrière. Sorte de produit dégénéré de la culture Doberman (sans même un plan réussi ici), Sueurs évoque la phase terminale d’une gangrène bessonienne assimilant cinéma de genre à objet réactionnaire et mongolo. Il y a là la preuve que rien n’a changé aujourd’hui dans le cinéma français, si ce n’est la possibilité offerte à quelques petits enfants gâtés de réaliser de faux-blockbusters en carton-pâte numérique sous prétexte de « niquer sa race » à un cinéma d’auteur cauchemardé. Résultat : une séance de torture qui donnerait envie de revoir tous les films de Romain Goupil en boucle. Pas le moindre des effets nocifs engendrés par une telle atrocité.