Qu’est-ce qui se cache dans la tête des filles ? Après Rohmer, après Rivette, Zack Snyder a décidé de plancher sur le sujet, et tranche à sa manière : dans leurs rêveries les filles, réunies en garnison de nymphettes kawaï, dégomment des samouraïs géants tirés d’une partie de Tekken, font régner la terreur sur une armée de zombis nazis, quand leur habileté au kung-fu et au maniement des armes lourdes ne les retient pas ailleurs, entre donjons, dragons, et escapades sur Mars. Autant dire que, parti explorer les rêves de jeunes filles, Snyder n’a pas fait beaucoup de chemin. Et que c’est un imaginaire exactement symétrique qui l’occupe en fait, imaginaire de petit garçon, le sien, dans lequel le film opère une plongée quasi documentaire. Ahurissant condensé de fantasmes geek, Sucker punch (dont Snyder est, pour la première fois, l’auteur complet) puise au même robinet que L’Armée des morts, 300 et Watchmen. Soit : un univers de figurines, disposées à loisir sur le fond interchangeable d’une inspiration enfantine qui est, en cela, d’une impressionnante vitalité. Qu’on fasse dans Sucker punch l’éloge des puissances de l’imaginaire (visez l’accroche : « La réalité est une prison, votre esprit est la clef ») n’a, à ce titre, rien pour surprendre, tant le film se veut programmatique.
C’est sa beauté et sa limite. Sa beauté parce que, dans les séquences musclées où les filles s’ébrouent dans des cinématiques de jeux vidéo, Snyder libère comme jamais le talent limité mais indéniable qui est le sien. Talent d’architecte de l’image numérique, mélange épatant de légèreté et de matière dont 300 avait dévoilé la formule. Ces séquences, qui concentrent tout l’intérêt de Sucker punch, emballent pour l’espèce d’absolue littéralité de la jubilation enfantine qui s’y donne cours – comme pouvait emballer 300 en dépit de son fond gros bœuf, un peu nazi sur les bords, mais nazi comme peut l’être un garçon de dix ans qui joue à la guerre sur la moquette du salon. Le problème est ailleurs, tout autour, dans les fils que Snyder, aux commandes du scénario, tisse autour de ces poches légères et virtuoses, faisant de son autisme un sujet, et une morale. A la ville, les amazones de Sucker punch sont parquées dans un asile, multiplement violées, alors leurs fantaisies à dos de dragon sont un refuge, une nécessaire compensation. Lorgnant du côté du film cerveau (passion qui, décidément, ne tarit pas – cf. l’épuisant Inception), Snyder voit un peu grand. Outre que pareil scénario est, sur le fond, un peu inquiétant, un peu con surtout, il noie dans un esprit de sérieux un peu piteux ce qui jusqu’alors, pouvait faire le prix des films de Snyder, l’espèce d’absolue gratuité de leur dépense. Snyder à l’évidence a tout à gagner à revenir à son programme de pur illustrateur (on l’annonce sur une nouvelle version de Superman), à comprendre que son imaginaire n’est la clef de rien, sinon de ce mystère : le mélange de balourdise et de grâce qui, parfois, se cache dans la tête des petits garçons.