Bonne nouvelle, Marc Forster est un cinéphile. Il aime les images et le montage, pour lui tout ça est très important, très interactif. Il respecte le spectateur qu’il aime titiller sans lui mentir, un peu à la manière de David Lynch qu’il admire depuis que Blue velvet édition prestige trône dans sa dvdthèque. Stay est son film à la David Lynch, avec un super chef op, des couleurs lamées, un climax à la lisière du fantastique. D’ailleurs, il a débauché Naomi Watts, il s’est fait plaisir, belle femme quand même. Clin d’oeil au maître, au collègue plutôt, parce que Marc Forster est un grand lui aussi. Un homme racé, un peu provo qui n’a pas peur de traiter les sujets prestigieux (peine de mort et racisme dans A l’ombre de la haine, biopic avec Johnny Depp dans Neverland) avec une pointe d’immoralité et de suffisance. On ne rigole pas avec Forster, le cinéma c’est du sérieux, du top classe, c’est une affaire de compréhension du monde vu d’une tour d’ivoire, un grand safari bourgeois en pleine misère humaine.
Stay n’en reste pas moins l’exemple type du psychothriller hollywoodien refoulant bêtement sa banalité. Un accident de voiture (la grande mode depuis Amours chiennes, Marc l’a vu dans un festival, il trouve ça fantastique) introduit un jeune homme au cheveu mi-long gras et au regard d’étudiant maudit. Plus tard, on le retrouve dans le cabinet de son psy, occupé par un remplaçant sympa (Ewan McGregor) mais étriqué au niveau du pantalon (pourquoi ? à toi de deviner spectateur…). L’écorché vif lui annonce qu’il va se donner la mort dans trois jours en se jetant du pont de Brooklyn. Commence alors une course poursuite bourrée de failles spatio-temporelles, de prise de tête sous les pavés ruisselants de bruine et de séquences surréalistes dont l’intensité est seulement dictée par la teneur dramatique du scénario.
Forster insupporte pour cette distance illustrative qui glace par un beau niaiseux la dynamique du film. C’est d’autant plus pathétique que Stay, objet voué à l’empathie et au ludique se trouve d’emblée bâillonné dès la première image par cette sous objectivité clinique qui construit d’un coté et découvre de l’autre. Nul trace de plaisir machiniste de type David Koepp, encore moins de vertiges maniéristes (tout Adrian Lyne, Schumacher ou The Cell de Tarsem Singh qui assument l’idée du ballet coloré comme aboutissement d’un tel sujet) ; non, rien qu’un partage équitable entre réalisme et détraquement, élégance et glauquitude. Plus que jamais, on ne distingue dans ce sous-style qu’une auto-satisfaction médiocre, où l’élégance des lignes, une certaine idée de l’équilibre et de la composition des espaces font office de nirvana personnel. On comprend mieux pourquoi tricoter un tel film. Entre rêve et réalité, mort et vie, Marc Forster s’offre un défi de ripolinage terminal où chaque force (noble, de la psychanalyse à l’Art) s’annule en un élan de grande pureté. De ce point de vue, Stay décroche la palme de l’ambiguïté molle et stérile.