Drôle de machin : réalisé entre le Sri Lanka et l’Allemagne, Sri Lanka national handball teamest le premier film réalisé par Pasolini. Pas Pier Paolo mais Uberto, obscur producteur italien dont on se demande quelques instants ce qui l’a poussé à passer à la mise en scène. Et pourtant, l’évidence s’impose rapidement : le premier film d’Uberto vaut largement mieux que les derniers de Bernardo. Le film annonce une sorte de Slumdog millionnaire revisité par Dino Risi, débutant dans les bidonvilles de Colombo pour décrire le quotidien de pauvres bougres sympathiques et désargentés avant de basculer dans la farce. Le petit gang de vitelloni locaux répond à une annonce teutonne invitant l’équipe nationale de handball sri-lankaise en Europe (précision utile pour comprendre qu’il s’agit d’une comédie : le handball n’existe pas au Sri Lanka). L’occasion de rejoindre l’Eldorado occidental est trop belle et incite la bande à monter une escroquerie trop grosse pour être vraie. Trop grosse pour être vraie ? C’est justement parce qu’il est tiré d’une histoire réelle que le film séduit : l’énormité et la cocasserie du scénario sont en effet constamment rappelés à ce principe de réalité qui – une fois n’est pas coutume – renforce et enchante ce qui, sorti de l’imagination d’un scénariste, semblerait aussi forcé que pataud.
La zone de douce absurdité dans laquelle évolue le film doit évidemment beaucoup à sa modestie : il y a dans la sobriété et l’aspect purement pratique de la mise en scène, incapable de la moindre abstraction, quelque chose qui ramène directement à un certain âge d’or finissant (quelque part au cœur des seventies) du cinéma italien. Le film semble revenir intact – d’un point de vue strictement technique – d’un âge où les films les plus anodins de la production italienne reposaient sur un art de la simplicité et une qualité artisanale aussi souveraine que décidée. Bertolucci suit sa petite équipée sans la moindre prétention d’auteur et nage dans une sorte de fantaisie bonhomme et jamais artificielle, puisant dans un fonds assez indécidable de néoréalisme détérioré et de modestie burlesque. L’exploit de cette anodine aventure à gros pitch (disons : essentiellement un film de producteur) est de garder une légèreté permanente et de savoir maintenir tous ses personnages à égale distance de l’excentricité folklorique (le match grotesque des usurpateurs contre une équipe pro) et de la stricte transparence imposée par l’argument de son authenticité (la sobre et belle échappée de la fin). Pendant que l’empire du téléfilm berlusconien aspire et formate tout le cinéma italien, Sri Lanka national handball teamemprunte des sentiers sauvages et désuets qui ne manquent pas de faire briller sa petite beauté saltimbanque.