En attendant l’adaptation de Hulk signée Ang Lee et celle de Daredevil avec Ben Affleck dans le rôle titre (!), c’est au tour de Spider-man de connaître les honneurs du grand écran. Finie l’omniprésence du simplet Superman, symbole d’une Amérique triomphaliste, et place au torturé homme-araignée, reflet peut-être plus actuel du pays de l’Oncle Sam. Avec le cinéaste Sam Raimi (Un Plan simple, Intuitions) aux commandes de ce qui est sans conteste l’un des films les plus attendus de l’année, Spider-man s’avère être une excellente surprise, et prouve, une fois n’est pas coutume, qu’on peut encore réaliser des blockbusters sans abrutir la masse.
Tout en restant fidèle à l’esprit de la bande dessinée (Marvel Entertainment est d’ailleurs l’un des co-producteurs du film et le premier nom à apparaître au générique de début), Sam Raimi parvient à donner vie à Spider-man grâce à un sympathique mélange des genres -le récit d’apprentissage, la comédie, le drame- qui permet au film de ne pas être un « action movie » de plus. A partir d’un scénario sans faille, Sam Raimi fait ainsi renaître Spider-man sous les traits d’un jeune adolescent binoclard mal dans sa peau et tête de turc du lycée, amoureux transi de Mary-Jane, sa voisine, qui semble à peine s’apercevoir de son existence. La découverte par le jeune homme de ses super-pouvoirs (après avoir été piqué par une araignée mutante lors d’une sortie scolaire dans un musée) donne lieu aux moments les plus comiques du film. Difficile, en effet, de ne pas voir dans l’apprentissage du lancé de filet une métaphore « trash » de la puberté. Le cinéaste s’amuse ainsi à créer des parallèles entre la transformation de son jeune héros en Spider-man et le passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Dotés d’une épaisseur psychologique assez rare dans les grands produits hollywoodiens, les personnages du film contribuent aussi au statut hors norme de Spider-man. Leurs contradictions résolument humaines les éloignent des « images » bidimensionnelles qu’on nous propose d’habitude : Mary-Jane est une actrice ratée, Harry, le meilleur ami, souffre d’un grave problème oedipien et Peter Parker est finalement condamné à rester puceau ! Après avoir réussi à imposer des protagonistes aussi tourmentés dans une production « mainstream », restait à Sam Raimi le challenge de donner une identité visuelle à son Spider-man. Pari gagné grâce à des effets spéciaux époustouflants (les sauts parfaits de l’homme araignée qui déambule avec grâce de gratte-ciel en gratte-ciel avec un réalisme confondant), et à une réalisation stylisée qui s’autorise des digressions graphiques à la limite du cinéma expérimental (quand Peter dessine son costume). Spider-man est donc une réussite sur tous les tableaux et parviendrait presque à nous faire oublier le mythe original sur papier.