Voilà un bon gros pavé dans la mare Disney. Fini l’animation ripolinée, les techniques tape-à-l’œil au service d’histoires mièvres et infantilisantes, et vive les petits bonhommes crado de Southpark. Avec eux on régresse vite ; pipi, caca, prout à tous les étages et un graphisme volontairement peu travaillé, proche du collage. On avait découvert les aventures de Stan, Kyle, Kenny et Cartman à la télévision. Celle-ci est devenue, depuis la fin des années 80, un véritable laboratoire en matière d’animation pour adultes. Après Les Simpsons, qui ont ouvert la voie, une flopée de dessins animés a débarqué sur la TV américaine : Southpark, Daria, King of the hill, pour ne citer que les meilleurs. Leur cible favorite est « l’american way of life », qu’ils aspergent de vitriol, l’Amérique des banlieues, des petits blancs à l’esprit rigide qui ne décollent de leur canapé que pour assister au barbecue dominical. A ce petit jeu, Southpark se montre particulièrement trash, une sorte de vilain cousin des Simpsons, en plus mal élevé et beaucoup plus scato. Succès oblige, la version longue que tous les fans attendaient sort enfin au cinéma.
Dans la ville de Southpark, c’est également un film qui fait l’événement, Ass of fire de Terance et Phillip, les deux pétomanes au langage peu châtié. Malgré l’interdiction au moins de 18 ans, Cartman et ses copains réussissent à le voir et leur vocabulaire s’en trouve du coup enrichi. Les « tête de couille » et autres « bouffeur de merde » fusent à l’école et en famille. Les parents s’affolent, des comités anti-Terance et Phillip sont crées, des implants anti gros mots inventés, bref les choses s’enveniment, tout le monde s’emballe et ça finira par une guerre entre les Etats-Unis et le Canada, puis l’arrivée du diable sur terre avec son amant Sadam Hussein. Rassurez-vous, un clitoris géant réussira à arrêter les hostilités ! Tout cela, évidemment, n’est pas sans rappeler les débats qui agitent les Etats-Unis sur la prétendue influence des médias sur les comportements. Inutile de préciser de quel côté se place Trey Parker. Southpark aurait donc pu être une petite réussite en son genre, le passage au long métrage ne lui ayant rien fait perdre de sa causticité. Il est donc bien regrettable que d’innombrables coupures musicales viennent gâcher -en partie- notre plaisir. Les chansons sont, certes, souvent drôles, mais leur trop grand nombre finit par révéler leur véritable nature : elles ne sont que des béquilles allongeant de manière artificielle le métrage d’un dessin animé plus probant dans son format court d’origine. Malgré le succès non démenti des Simpsons depuis de très nombreuses années, Matt Groening s’en est toujours tenu au format court. De son côté, Trey Parker s’est peut-être montré un peu trop gourmand.