L’association des artisans de chez Aardman et des marketeux de chez Dreamworks n’était pour l’heure qu’un mariage de raison. Avec Souris city, le studio britannique lâche du lest. Productivité oblige, les images de synthèse remplacent de plus en plus la pâte à modeler, la B.O. se gorge de la pop si chère aux bande annonces géantes de la firme californienne. On est ici aussi au coeur de la société de consommation, obsession typiquement dreamworksienne : suite à un plongeon accidentel dans la cuve des toilettes, une souris domestique atterrit dans le biotope souterrain des rats de Londres. Pour retrouver sa place de rongeur privilégié, elle s’associe à une charmante rebelle qui met à mal la dictature d’une grenouille belliqueuse.
Souris city s’engouffre dans le sillon creusé par Nos voisins les hommes. On est en pleine théorisation du piratage marketing : l’univers replié d’Aardman, petit repère de la débrouille poétique est perverti par le grossissement industriel (les images de synthèse qui recréent la ville), récupéré pour nourrir la survie d’une autre nébuleuse protéiforme et hystérique. En témoigne le début du film : autiste à mort (comme l’est la merveilleuse mais fastidieuse technique de Wallace et Gromit), la souris quadrille son univers en soliste raffiné avant d’être rejoint par un alter ego sale et cynique, qui s’empresse de tout détruire. Souris city est actionné par cette schizophrénie créatrice : trouver des idées, exploiter tous les mystères d’une technologie (le bateau, boîte de pandore fictionnelle et compression de l’imaginaire Aardman), puis subitement les réduire en miettes, les vitrioler dans une ambiance pied de nez.
Le film y perd en finesse et en cohérence. Certes, il est piquant, enlevé, mais sa dynamique finit de le briser. Les personnages n’avancent que par effets de loupe : rat des villes contre rat des champs, gentils contre méchants, solitude contre famille. Idem en ce qui concerne les effets comiques : il y a l’imagination de Aardman (les limaces chanteuses dont la première apparition constitue une scène à part entière), puis le sens du gimmick de Dreamworks, qui commercialise l’idée, de tous les plans à la fin.