Aragorn est devenu une ordure. Sous le nom de Solomon Kane, il se repaît du sang et des râles de ses ennemis, massacre sans pitié ceux qui entravent son appât du gain. Jusqu’à ce combat perdu – certifié 100% CGI fauchés – qui fera de lui un homme de paix. Désormais glabre (car de Barbe Bleue à Staline, les pires bad guy sont toujours pileux), Solomon joue les pasteurs pénitents, se fringue comme Van Helsing et se ballade, incognito, dans ce pays qui autrefois le craignait. Mais un jour qu’il n’avait plus d’autre joue à tendre aux torgnoles des forces du mal, Solomon va réveiller la machine à tuer. Et débarrasser la lande de ses deux salopards en chef : le frangin lifté de Leatherface et Sam Neil période Event horizon. Dit comme ça, Solomon Kane rappelle d’avantage un fornicage effréné entre Donjons et cartons et Les Rois maudits de Josée Dayan que le roman de Robert E. Howard dont il est tiré. Et pourtant : il s’agit sans doute d’une des plus louables tentatives d’héroïc-fantasy depuis la trilogie de Jackson. Ce qui est à la fois beaucoup et pas grand chose.
Ca ne se joue à rien. Une ambiance posée ça et là, des accès de violence frontale, quelques aspérités, simplement, dans un genre trop souvent passé au ripolin. Après un (abo)minable incipit de PlayStation one, le film troque les effets qu’il ne peut pas se payer pour l’atmosphère pluvieuse, boueuse, d’une Angleterre médiévale fantasmée. En quelques plans, c’est comme si Solomon Kane rétrécissait au lavage, resserrait les mailles de ses enjeux et de la direction artistique, pour ne plus se concentrer que sur son héros néo-christique. Le film retrouve même, à l’occasion, la violence séminale qui faisait la force de Conan le barbare (autre adaptation d’Howard). Impossible, d’ailleurs, de ne pas songer à l’intro du Milius lors du massacre de la famille mormone, ou à l’Arbre du malheur pendant la scène de crucifixion. Certes, Solomon Kane n’a ni la dimension archétypale (trop mal écrit), ni les accents prométhéens de son aîné (la faute au falot Purefoy ?), mais sa manière d’aborder le genre par le petit bout de la lorgnette, sans chercher à couvrir tout le champ des possibles, n’est pas loin de séduire. On se prend alors à rêver d’une héroïc-fantasy dépouillée à l’extrême, sans money-shots, presque abstraite, qui ne verrait pas le besoin de justifier son horizontalité de chaque instant, sa prise directe avec l’environnement. Mais Solomon Kane n’est pas le 13e guerrier, Michael Bassett encore moins Mc Tiernan, et le démon de la série Z va finir par les rattraper aux chevilles. Dans un finale parfaitement nanardeux, presque « christophelambertien », Van Helsing retrouve son père incarné par Max Von Sydow (jamais bon signe ça), affronte notre Leatherface botoxé, terrasse un Balrog sorti de nulle part (à croire qu’il leur restait 2-3 millions à claquer) et renvoie le clone de Sam Neil dans l’au-delà d’Event horizon. Le genre de combo imparable, même armé des meilleures volontés.