Issu du monde du documentaire avec notamment le très remarqué Gang War : Bangin’in Little Rock, Marc Levin transpose au cinéma un univers qu’il connaît bien, celui de la jeunesse dévoyée et des gangs urbains. Cela se ressent et surtout se voit grâce à la virtuosité avec laquelle ce film est mené. L’histoire de Slam est simple mais a ceci de fort qu’elle paraît être issue du quotidien, d’un banal fait divers mille fois rejoué : Raymond Joshua, un poète rappeur doué qui vit à Washington DC, est interpellé pour détention illégale de marijuana lors d’une échauffourée contre son dealer. Il fait la connaissance en prison de Lauren, une enseignante qui apprend à lire aux détenus. Séduite par son talent, celle-ci encourage le jeune homme à développer son don pour la poésie.
La première partie du film -l’arrestation de Ray et son séjour en prison- est filmée avec un réel sens de l’action par une caméra dynamique, portée à la main, qui s’accroche aux moindres mouvements perceptibles. La caméra harcèle les personnages, détaille leur corps, zoome pour fouiller les visages tandis que le montage morcelle l’action et mélange les temporalités. Par ce traitement choc, le climat est tendu, propice à traduire la nervosité de l’ambiance du ghetto, et surtout de la prison, véritable coupe gorge où la seule façon d’y survivre serait presque de devenir transparent ! D’ailleurs un des mérites du film est de montrer à quel point la prison reproduit le même schéma de vie qu’au dehors : on y retrouve les mêmes personnes (pour la plupart des jeunes noirs du ghetto qui se connaissent déjà), on y constitue les mêmes bandes, et on y trafique la même drogue. Et le film de s’interroger : où peut donc bien résider l’espoir de réinsertion ?
Marc Levin fait peser un climat paranoïaque sur le film, comme si la peur de se prendre une balle dans le dos était palpable, mais toute cette violence est plusieurs fois ponctuée par quelques plans oniriques. Car le film n’oublie pas que dans toute cette haine et cette violence, la poésie et l’espoir existent. La chance de Ray c’est justement de pouvoir rêver et s’évader grâce à sa poésie. Le film est irrigué par la poésie du « slam », cet art oratoire mêlant la lecture poétique et l’énergie de la prestation scénique. Les textes, issus des œuvres personnelles des comédiens qui sont de vrais slammers, sont d’une grande qualité et évoquent une situation loin de tous clichés. Ils ont pour sujet l’univers des ghettos mais exaltent aussi les solutions pour s’en sortir. Comme Lauren le déclame à Ray, la loi du talion n’est pas la solution, la solution, c’est la rébellion sans violence de celui qui décide de truquer le système vicié, pour se hisser vers la liberté. La solution de Ray ?