Un clodo mangeur de carottes sauve un bébé d’un règlement de compte entre mafiosi. Accompagné d’une prostituée de luxe, il est chassé et chasse. Il flingue, il tape, super cool comme Clint Eastwood. Shoot’em up donc, film de castagne second degré, tout en hommages ricanants et en story-boards sophistiqués est un appel du pied à la génération Tarantino. La théorie se substitue à la pratique, le plaisir de l’appartenance communautaire prédomine. On ne déclinera pas la liste des références, chacun y verra la sienne, telle est la générosité réelle et avenue de Michael Davis, faiseur anonyme mais récurrent à Hollywood (story-boarder pour McTiernan, scénariste de séries Z et de comédie romantiques) dont on se demande sincèrement s’il est bien une seule et même personne.
Shoot’em up a les qualités de ses défauts. Une efficacité qui se dément à peine au bout d’une heure et demie, bien que peu d’images restent en mémoire. Retenons le positif, ce rythme échevelé, cette manière d’encadrer l’action avec une conviction qui confine au batelage. Chaque scène est construite comme une planche de BD : décors, gag, cascade, commentaire distancié, on clôture et on recommence. Clive Owen trouve sa place dans ce catalogue en deux dimensions, action man parfait et parfait interprète d’action man, fil rouge objectif unifiant les séquences et les clins d’œil. Personne d’autre que lui n’est plus acteur à Hollywood, corps à habiller selon les circonstances, présence sortie de nulle part, délestée, c’est le paradoxe, d’une quelconque référence. Mettez George Clooney ou Kurt Russel à sa place et vous verrez défiler leurs rôles antérieurs. Owen, star catapultée mais star quand même, a sa virginité picturale pour lui, pas mal pour caper un homme sans nom.
Problème toutefois, le film lui promet un face-à-face avec un bad guy à l’intensité pas vraiment idoine, Paul Giamatti en simili Lee Van Cleef. Un peu faiblard tout de même, mais enfin Paul Giamatti est devenu un acteur faiblard, envers absolu d’Owen, une anti-présence inadaptée à la starification made in Hollywood. Porteur d’espoir en second couteau (Man on the moon), consacré en Woody Allen aigri (American splendor), il s’est perdu après le triomphe de Sideways, recyclant partout – même ici – son image de loser barbichu, jonglant entre cruauté (qu’il simule laborieusement) et humanité détraquée (les coups de fil à sa femme, pathétiques). Ce contrepoint délicat devisse le film de ses objectifs : le grand film jouisseur, la post-tarantinade absolue, tout cela n’était que pur mirage. Non, Shoot’em up se voit davantage comme un bon exercice. De style ? Si on veut.