Si le Rollerball de John McTiernan avait entre autres mérites celui de consacrer la géographie de l’Asie centrale comme terre d’inquiétude, promesse de chaos et précipité cauchemardesque des futurs incendies que pressentent les plus pessimistes d’entre nous, le nettement moins connu Charles de Meaux arpente la région depuis son premier film, Le Pont du trieur, documentaire alambiqué sorti en catimini il y a quatre ans. Exclusivement fictionnel, Shimkent Hotel poursuit l’exploration sur un mode aventurier et timidement informatif. La seule audace du film est un glissement curieux : Melvil Poupaud, Caroline Ducey, Romain Duris + une caméra DV + une propension à l’introspection réfléchie, et voilà les ingrédients d’un petit film parisien téléportés du côté des steppes ouzbeks et tadjiks.
Dans une chambre d’hôtel, Alex (Melvil Poupaud), amnésique et -nous dit-on- traumatisé, est visité par un espion français en sandales et son compatriote neurologue et fin psychologue. Les deux hommes tentent de faire revivre au jeune homme les événements qui l’ont conduit à cet état végétal. D’où flashs-back : Alex et ses deux amis (Caroline Ducey et Romain Duris) sont venus de France tenté leur chance sur les ruines de l’empire soviétique en achetant à bas prix une gigantesque usine qu’ils ont l’intention de relancer. Pendant que le barbouze et le psy dissertent à coups de grandes phrases pompeuses, l’aventure des trois naïfs nous est contée, non sans attirer une certaine sympathie désormais nostalgique (le côté start-up démesurée et illusoire de nos 20 ans), mais sans nous concerner plus que ça. Très vite l’ennui submerge les images, qu’elles se veulent fiévreuses (le suspens type HEC : « que fait-on si le carburant augmente ? »), contemplatives (un long rallye en Lada à travers les routes poussiéreuses) ou aventureuses (joutes plus ou moins violentes avec les fourbes autochtones). Charles de Meaux -dont le seul véritable titre de gloire reste Blissfully yours, qu’il a co-produit- cherche à nous entraîner vers l’inconnu dans la posture de l’éclaireur intrépide, mais son film, incapable de jouer de sa structure narrative (un présent figé dans le bavardage, un récit répétitif et sans le moindre entrain), ne prend guère soin de dissimuler ses tics chichiteux. De l’Asie centrale, grand sujet du film, rien ne perce jusqu’à nous. En deux ou trois plans, Rollerball en avait dit plus.