Deux tendances dans l’air à Hollywood : adapter les séries télé et imposer de nouveaux comiques dans le sillage de Ben Stiller et Owen Wilson. Ces deux-là ont sans doute du décliner le projet Shérif fais moi peur, écrit par le scénariste de Starsky & Hutch dont on retrouve ici un peu l’esprit. A savoir hommage à tous les étages (structure identique, comme un gros épisode), infusé par une ironie légère et constante, sur laquelle les acteurs font office de médiator. Oui mais voila, l’hommage en question se concentre davantage sur les ploucs américain du sud que les mythiques années 70, orientation qui débouche sur deux conséquences. L’une, plutôt sympathique, est celle qui fait sombrer Shérif fais moi peur dans la régression absolue, genre bataille de polochon chez les beaufs. L’autre moins marrante, consiste à bâcler absolument tout et à se laisser traîner par le simple et banal plaisir nostalgique.
Il y a un peu de tout ça dans Shérif fais-moi peur, une parcimonieuse incarnation dans un produit 100 % industriel plutôt cynique dans son déroulement. Même les fans les plus mordus seront à moitié déçus. Version film, plus de burlesque ou presque, plus aucune vachardise anarcho envers les bourgeois et les flics. Exemple type : les méchants, mémorables de crétinerie et bien plus savoureux que les Dukes en personne, sont ici quasi invisibles. Pire : tous ne s’abaissent même pas au cabotinage débile, surtout Burt Reynolds, archi nul, qui compose un Boss Hogg lamentable, feignant, anémié, tué par l’inavouable envie d’élégance d’une star déchue qui ne peut même plus rire d’elle même. Mais ce n’est pas bien grave, le film aligne les personnages, hommages et cascades dans un magma zappeur un peu mou mais passable. Surenchère qui ne permet jamais à un gag de s’installer, mais le film a une confiance illimitée en son modèle, en sa raison d’être aussi. Au spectateur de piocher.
Alors évidemment, on trouve ça et là quelques motifs de satisfaction, comme cette bonne idée de scénario à transformer les invraisemblances de la série en saillies ironiques. Fastoche mais efficace, quand le bolide des Dukes totalement défoncé, retrouve en un plan son aspect originel. Assez poilant quand Johnny Knoxville cabotine outrageusement les mécanismes du jeu grimaçant du premier interprète de Luke Dukes. Et puis il y a Sean William Scott, sauvageon crasseux des comiques, hystérique et rigolard, le seul à recadrer son personnage dans une certaine modernité, le seul aussi à rayonner dans la nullité la plus pure. Après American pie, Eh Mec elle est où ma caisse et Bienvenue dans la jungle, s’emparer d’un tel mythe potache fait de lui le roi incontesté des poubelles d’Hollywood.