Loin des oeuvres d’un Wong Kar-waï ou d’un Tsui Hark, Shaolin soccer s’inscrit dans la veine potache du cinéma de Hong Kong. Alimenté par l’inépuisable robinet de la parodie, le film traite les genres traditionnels du cinéma de l’île sur le mode de la franche déconnade. Ici, le mélange arts martiaux, shaolin, wu xia pan, avec l’incongru football donne naissance à un hybride inédit, sorte de kung-foot renversant. En loupant un penalty, Fung, jeune gloire du football, fait perdre le championnat à son équipe avant de se faire briser les jambes par ses propres fans furieux. Claudiquant, il traîne quelques années dans le club avant de se faire mettre à la porte par son ex-partenaire qui en devenu président. Sa rencontre avec Sing, moine shaolin fauché qui démolit consciencieusement une bande de voleurs à l’aide d’un simple ballon, lui donne l’idée de monter une équipe de foot afin de repartir à la conquête de la gloire. Le travail parodique consiste ici à opposer un sport clinquant vicié par l’argent à une pratique humble et antique mais peu considérée. Tandis que la loyauté, l’honnêteté et le culte des valeurs ancestrales (véhiculé certes par une belle bande de losers) n’apporte qu’injustice et misère, la fourberie récolte tous les honneurs.
Parti sur les chapeaux de roues, Shaolin soccer tiendra sur ce rythme jusqu’au bout, bien aidé par une histoire d’amour hilarante et par quelques digressions irraisonnées vers la comédie musicale ou le western. Un vent de folie qui culminera quand même sur le terrain, lors d’un tournoi mémorable où la bande de vieux shaolin en piteux état rassemblée par Sing réalise d’invraisemblables prouesses. Dotés chacun d’un pouvoir spécial, les joueurs défient les lois de la gravité (malgré un poids dépassant les 100 kg pour l’un d’entre eux), virevoltent, jonglent la tête en bas, le tout sous le regard perçant d’un gardien invincible, hilarant sosie de Bruce Lee vêtu du fameux pyjama jaune porté par le maître. En finale, l’opposition entre les shaolin footeux et l’équipe des vilains, reprend les codes des pubs Nike (bons contre méchants) mais avec Puma dans le rôle de l’organisateur. L’occasion pour la marque challenger de s’inscrire ingénieusement jusqu’au coeur des effets spéciaux (un ballon expédié à la vitesse du son prend la forme de son logo avant de transpercer les filets) et de faire la nique à Nike en les poussant dans le camp des méchants perdants. Car finalement Shaolin soccer s’incline devant ses modèles ancestraux et choisit, après les avoir moqués, de faire triompher les codes shaolin plutôt que ceux du soccer.