Le premier Shaft, réalisé en 1971 par Gordon Parks, reste encore aujourd’hui le film phare de la Blaxploitation, courant créé pour les minorités afro-américaines, mais derrière lequel se cachaient le plus souvent les pontes blancs des grands studios. Sorti en France sous le titre Les Nuits rouges de Harlem, l’ancien Shaft a très mal vieilli, et, sans la légendaire bande sonore d’Isaac Hayes et l’apparition historique d’un héros noir, on ne saurait trop le distinguer des médiocres séries B produites en masse à l’époque. Intrigue sommaire, réalisation banale, absence de rythme (avec cette musique, il fallait le faire) : on comprend mal l’engouement des foules pour ce produit mollasson, bien inférieur à certaines perles du genre, comme Foxy Brown (avec Pam Grier) ou Superfly (du même Gordon Parks). Malgré la classe inimitable de Richard Roundtree, Shaft le flic méritait donc un sérieux lifting.
C’est désormais chose faite avec ce Shaft millésime 2000 signé de l’inégal John Singleton (Boyz N The Hood, Poetic Justice) et joué par Samuel L. Jackson, au moins aussi magnétique que son prédécesseur. A la différence d’un remake intégral, Shaft se charge seulement de récupérer un personnage mythique : l’inspecteur John Shaft, qui, s’il n’est que le neveu du vrai John Shaft (Richard Roundtree nous offre une apparition très convaincante), fait preuve d’un comportement purement shaftien, avec sens moral très développé, protection des innocents, lutte contre la corruption et veste en cuir lui permettant d’emballer toutes les nanas du quartier. L’intérêt d’un tel héros reste quant à lui contestable, Shaft étant dénué d’une véritable personnalité, construit davantage en fonction de l’imagerie black (entre autres, l’aspect toujours cool) que d’une volonté d’authentique création. Car le seul point original de Shaft, c’est finalement sa couleur. Et si cette transparence était pardonnable dans le cinéma des années 70, dont le contexte de marginalisation ethnique justifiait la présence d’un justicier noir, même quelconque, le même concept paraît désormais anachronique, et l’on aurait souhaité que notre inspecteur soit doté d’un peu plus de profondeur, voire de mystère. Idem pour son enquête, fondée sur un crime raciste et opposant le gentil noir au méchant blanc (Christian Bale, qui, après American psycho, semble abonné aux rôles odieux), comme si l’inversion des codes régnant au sein de films obsolètes suffisait à nourrir un récit. Ainsi, bien que Shaft 2000 soit plutôt mieux foutu que son ancêtre, on a l’impression, en le regardant, que les mentalités hollywoodiennes ont bien peu évolué depuis trente ans.