Autant l’avouer de suite, Sexy beast est loin d’être le chef-d’œuvre qui sortira le cinéma anglais de sa torpeur. Pourtant, le film de Jonathan Glazer a le mérite de se démarquer de la production britannique habituelle. D’abord, le film évite de se présenter comme la somme de tous les poncifs socioéconomiques d’un pays en crise. Ensuite, il ne joue pas la carte de la sympathique comédie à l’anglaise. Par l’originalité de son ton et de sa narration, Sexy beast nous déroute un moment, le temps de constater que ces honorables intentions ne suffisent malheureusement pas à construire un film cohérent.
Fondé sur le schéma classique du gangster repenti que l’on force à replonger pour un « dernier » coup, Sexy beast retrace le singulier déroulement d’un casse à Londres. Le point d’orgue de l’histoire ne sera pas la traditionnelle effraction des coffres, mais ses préparatifs, et, plus précisément, le recrutement de Gale Dove. Le prologue du film a des airs de comédie légère : le soleil, une piscine et, près de l’eau, un gros bonhomme en slip jaune à la peau rougie, caricature du prolo « roastbeef » frauduleusement enrichi. On est sur la Costa del Sol et Gale ne se doute pas que son ancien complice, Don Logan, vient de débarquer d’Angleterre pour lui demander de participer à une juteuse affaire. A partir de ce moment, Sexy beast change subitement de ton et tente d’atteindre les climax angoissants du thriller psychologique. Don se révèle être un dangereux psychopathe qui terrorise tout le monde. A force de vitupération, de haussements de voix soudains et d’une logorrhée au débit démonstrativement pathologique, la composition de Ben Kingsley ressemble plus à un mauvais show de cabaret qu’à une composition saisissante de vérité. Une contre-performance qui saborde les efforts du cinéaste pour créer un huis clos sous tension.
Après que l’hystérique ait été malencontreusement zigouillé, Gale se décide à partir pour Londres afin d’éviter les soupçons du terrible Teddy Bass, le chef du gang, instigateur de toute l’affaire. Musique techno, montage ultra-rapide, cadrages biscornus, Jonathan Glazer emploie toute une panoplie d’effets dynamisants qui ne donnent lieu qu’à une débauche d’énergie dépensée en pure perte. Lorgnant discrètement du côté du Lynch période Twin Peaks et Lost highway, il se permet même quelques incursions psychanalytiques : notre bon gros Gale est en effet hanté par son double maléfique, un homme déguisé en lapin géant ! On l’aura compris, Sexy beast part un peu dans tous les sens, sans vraiment réussir à nous convaincre. Reste la présence de Ray Winstone, dont le jeu varié apporte un peu de finesse bienvenue à l’ensemble.