Il est rare de ne rien pouvoir sauver des films d’Ivan Reitman, même les derniers (Evolution, Ma super ex), tournés dans un esprit flagrant de pré-retraite dorée. Celui-ci ne déroge pas à la règle : trop superficiel et feignant pour signaler un retour fracassant du réalisateur de SOS fantômes sur le devant de la comédie, Sex friends est une oeuvre hobby traversée d’inspirations rafraîchissantes, tenue par un indéniable sens du métier. Le film confirme surtout que Reitman connaît les acteurs. Ashton Kutcher en minet énamouré, et Natalie Portman en médecin urgentiste phobique des relations de couple, se posent comme un duo parfaitement complémentaire et subtilement déconcertant. Acteur people, Monsieur Demi Moore rêve de profondeur quand Portman, estampillée bonne élève d’Hollywood, se dépayse en se confrontant à la frivolité.
Hélas, à mesure qu’avance le film, Sex friends sied mieux à l’un qu’à l’autre. Corps étranger à la bluette malgré son évidente beauté, Natalie Portman se trouve condamnée par le scénario à ne jouer que sur un registre grave, façon rôle à Oscars (son personnage est une pure névrosée), soulignant par là l’hypocrisie d’un film faussement décontracté et mal élevé – la promesse d’une comédie ouvertement sexuelle ne tient que le temps d’une scène assez crue, par ailleurs plutôt réussie. C’est donc Kutcher qui emporte le morceau. Le récit épouse sa trajectoire existentielle favorite, la même que le beau et sous-estimé Toy boy, son meilleur film : celle du beau gosse un peu maso, dont la quête d’élévation et de respectabilité passe toujours pour une bonne blague aux yeux du monde, qui préfère le cantonner à son rôle de charmant homme objet. Une scène croustillante de Sex friends résume bien le mélange de dérision et d’excitation transmise par l’énergumène : il se réveille entièrement nu, complètement amnésique, dans le salon d’une inconnue après une nuit de beuverie. La pièce se peuple alors de ses partenaires potentiels (trentenaire imparfaite, homo massif, puis Portman arrive), qui s’amusent de son indélicate posture, tout en le convoitant comme un morceau de bidoche.
Cette indécision passionnante (s’accomplir ou rester désirable) bifurque pourtant bien vite sur un compromis beaucoup plus fade, le film condamnant les personnages aux rails de la normalité. Portman se soigne donc, Kutcher perd son charmant cynisme, Reitman renonçant à peu près à tout. Le sexe, on l’a dit, se résume en une suite de câlins en sous-vêtements (métaphore subliminale de la chasteté hollywoodienne du film : Natalie Portman joue littéralement au docteur) ; et l’amitié se réduit à une sorte de préliminaires au grand amour qui viendra (l’ouverture wes-andersonienne, qui fait se rencontrer les deux personnages à l’adolescence, ne sera jamais développée). A se reposer ainsi sur ses lauriers, Sex friends, beau film endormi, récolte ce qu’il a semé : un charme volatile qui se dissout bien vite dans l’oubli.