Une bande de cadres partent en séminaire sportif au fond d’une forêt hongroise où les attendent une horde de mercenaires dégénérés. Survival de plus mais sur-entonné sur l’air sympa du poilant Shaun of the dead : allier la comédie parodique, brio de la mise en scène et profond respect pour le genre. Le réalisateur Christopher Smith (Creep) ne s’en sort pas mal, même si son film fait un peu figure de chien fou. Souvent, il saute sur une idée, s’emballe, puis s’épuise avant de recommencer.
Chien fou et pareillement djeun’s. Severance est un film que l’on doit aimer, parfaitement emboîté dans l’air du temps, alignant les métaphores politiques comme des slogans de manif anti-CPE. Au-delà de la figure du mercenaire forcément chargée, il y a bien un sous-texte satirique sur la guerre en Irak, le 11-Septembre (où une erreur de tir de bazooka fait exploser un Boeing au fond de l’écran, séquence remarquable de violence et de drôlerie), l’hypocrisie des puissances occidentales qui arrosent le tiers monde en armements lourds. Smith en rajoute une couche sur la sociologie de l’entreprise, la crétinerie absolue des séminaires sportifs, les conflits générationnels ou l’homophobie. De ce mitraillage en règle, pas mal de balles manquent leur cible ou s’estompent par frénésie. D’où, par moments, une baisse massive d’intensité, un sentiment ouaté ou blindé par rapport à ce qui est montré, comme si le film n’arrivait plus à trancher dans le vif, faute d’avoir tout égratigné.
Manque donc au film de Christopher Smith une vue d’ensemble, peut-être une perversité. Severance reste trop gentil, trop vert pour foutre les jetons : le réalisateur est capable de ricaner, mais il prend peur avant ses personnages, lesquels finissent généralement par se serrer les coudes, tous unis face au survival. D’où une dépendance de dernière minute au genre, toujours là pour arbitrer le conflit rire-terreur et par là même couper l’élan de la mise en scène. On pense à la poursuite dans le chalet, séquence frustrante tant le pôle comique du film, toujours présent, devient envahissant. Le principe du cache-cache, la trogne du mercenaire, la manière qu’a la caméra de fixer les espaces, de jouer des ruptures et des hors champs : tout confère à un traitement sérieux, tendu, que l’adjonction d’humour édulcore. Severance se rattrape cependant dans le sens inverse, quand le burlesque domine. On retrouve là les meilleurs accents de Shaun of the dead : le potache s’en trouve toujours sublimé sans que le film ne sombre dans le n’importe quoi.