Dans la campagne anglaise, une jeune lady enceinte et distinguée est arrêtée à bord d’un train à vapeur pour avoir découpé son mari. Quarante ans plus tard, sa fille est devenue desperate housewife dans un village où son mari (Rowan Atkinson, alias Mr Bean) est plus pasteur qu’amant. En désespoir de cause, celle-ci se rabat sur Patrick Swayze, prof de golf libidineux et ringard avant qu’une mystérieuse gouvernante ne remette un peu d’ordre dans la maisonnée. Postulat classique de comédie noire, disons, d’après ce que l’insistante touche british nous hurle dans les oreilles. Touche qui se définit par un casting de santons de sa gracieuse majesté et par des hectares de gazon phosphorescents et de paysages folkloriques de la Cornouaille. Apologie amusée des produits du terroir, le film est si emprunt de nationalisme que ce qu’il raconte n’a au fond que peu d’importance.
Seulement, le flegme se transforme très vite en flemme. La faute au cinéaste Niall Johnson qui ne cherche ici qu’à globaliser l’humour anglais plutôt qu’à le sublimer. Sur les acteurs en particulier. Hormis Maggie Smith, dans un rôle de Mary Poppins déjantée qu’elle accapare jouissivement, aucun n’habite son personnage au-delà du minimum syndical. D’où un mélange de rachitisme et de tristesse, où rien ne s’emballe ou n’emballe la petite musique du film. Kristin Scott-Thomas récidive après La Doublure dans une prestation blanche de bourgeoise effacée, déconnectée du monde sensoriel, en représentation au propre comme au figuré, comme spectatrice de la scène à jouer. Pour Rowan Atkinson, c’est encore pire, tant son jeu semble bridé par le film. Non que Niall Johnson nie totalement ses capacités, mais il peine à les exploiter, par pure impuissance ou simplement par honte de l’exubérance. La scène de football, avec Atkinson en gardien passoire, atteint un sommet de gêne, moment d’une platitude abyssale où l’acteur semble englué dans une équation insoluble, celle de construire du burlesque corporel sans se servir de ses bras ou de ses jambes.
Alors on somnole ferme, bercé par le rythme métronomique du scénario, attendant le prochain cadavre ou le prochain bon mot sans rien fantasmer d’autre tellement le film ne promet rien, imperturbablement frigide et mou. Reste l’intérêt de comparer le détraquement d’une comédie commerciale anglaise à son homologue français. Quand la seconde sue à grosses gouttes pour se construire une identité, la première souffre au contraire d’apathie, engoncée dans une auto-suffisance rasante, trop sûre de son patrimoine. Secrets de famille n’est que cela : un squelette qui ne tient pas à être rempli, un corps inanimé par la faute d’un cinéaste pour qui donner relève de la faute professionnelle.