Repérée dans les films de son père (Dario, est-il encore besoin de le préciser ?) et dans quelques honorables bandes italiennes (dont le touchant Les Amies de cœur de Michele Placido), Asia Argento n’a cessé depuis de peupler les fantasmes des cinéastes et cinéphiles de tous bords, jusqu’à Maurice Pialat qui confiait dans un récent entretien accordé aux Cahiers du cinéma son intérêt pour ladite créature. Ainsi, suite à sa prestation dans le chef-d’œuvre de Ferrara (New Rose Hotel), tout ou presque aura été dit sur elle. « Fille de » provocante, bombe sexuelle, touche-à-tout insolente, et, surtout, actrice comme on n’en avait pas connu depuis longtemps, capable de magnétiser l’écran d’un simple regard.
A partir de cette somme de poncifs et d’affirmations justifiées, la jeune femme a décidé de faire ses propres choix en mettant en scène son premier film, autoportrait caricatural et bordélique, sorte de Candide trash au pays du cinéma. Pour les besoins de cette relecture identitaire, Asia devient Anna Battista, jeune comédienne embarquée malgré elle dans les affres du show-business, pauvre petite fille riche à qui il arrive plein de malheurs. Anna va donc goûter pêle-mêle aux joies du mauvais trip, du harcèlement sexuel et de la déferlante médiatique. De Rome à Amsterdam en passant par Hollywood et Paris, la jeune femme rencontrera pas mal de personnages aussi déjantés qu’elle -dont sa copine tendance maso (la géniale Veronica Gemma) et un couple de photographes partouzeurs- tout en s’entichant d’une rock-star qui la mettra en cloque. Mamma mia, c’est pas toujours facile d’être une star…
Le moins que l’on puisse dire à la vision de Scarlet diva, c’est qu’Asia Argento prend des risques. Et en premier lieu, celui du ridicule. Ceux qui appréciaient l’actrice en tant qu’icône ne seront pas forcément sensibles à son goût pour le grotesque ou à la démystification permanente que la cinéaste fait subir à son image. Maquillage qui coule, passage du rasoir sous les aisselles : Asia ne craint pas de se montrer au quotidien et de jouer avec les clichés qui l’entourent. Rarement le territoire du « je » aura été occupé de manière aussi féconde, le film basculant allègrement du narcissisme outré (voir le superbe générique où se bousculent les images d’Anna/Asia sous les crépitements des flashs photographiques) à la satire drolatique d’un parcours de comédienne. Mais ce que l’on retient de Scarlet diva c’est la naïveté avec laquelle Asia Argento s’empare de ses séquences, fonçant tête baissée dans les pièges de l’imagerie et en ressortant, conquérante, avec quelques instants bouleversants. Filmées avec une énergie parfois proche de la grâce, les situations les plus éculées (rouler une pelle, dire « je t’aime ») prennent alors valeur de témoignages inédits sur la dépendance amoureuse ou la sensualité des corps. Rien que ça.