Depuis plusieurs années, le cinéma iranien parvient jusqu’à nous grâce notamment aux chefs-d’œuvre d’Abbas Kiarostami ou de Mohsen Makhmalbaf. Sara de Dariush Mehrjui permet de rappeler la richesse de la cinématographie iranienne, dont plusieurs films ont été projetés à l’occasion de rétrospectives. Ce long métrage, sorti en 1993, a déjà connu un parcours flatteur à travers les festivals, qui ont primé notamment la prestation de la comédienne principale. Ce film nous présente effectivement le personnage passionnant d’une femme obstinée et travailleuse qui sacrifie son temps, son argent et sa santé pour pouvoir payer une opération à son mari gravement malade, lequel se révélera ingrat. Tout repose sur ses épaules : on la voit courir dans la ville, coudre dans la cave pendant que sa famille dort, rembourser son emprunt…
Il se dégage de la réalisation et de la narration du film une grande fluidité due en grande partie aux mouvements d’appareils, aux nombreux raccords précis. Dans le même temps, plusieurs plans révèlent un grand souci du détail et rajoutent au discours social un aspect esthétique évident, qui parfois envahit certains films iraniens.
On ne peut dissocier une œuvre de son pays d’origine surtout lorsque celui-ci est gouverné par des intégristes. Impliqué depuis de longues décennies dans la production cinématographique, les autorités iraniennes appliquent une forte censure sur les films en obligeant les cinéastes à respecter de nombreuses contraintes. Ainsi, il est à ce jour impossible de représenter un homme barbu qui soit antipathique. L’autre contrainte fondamentale à laquelle tous les films iraniens doivent se conformer réside dans l’interdiction de montrer un homme et une femme ayant un contact. Des couples sont certes représentés, mais ne se touchent pas, ni même ne s’effleurent la main ou les cheveux. Ainsi dans Sara, nous aboutissons à cette absurdité de montrer l’homme qui se tord de douleur dans son lit d’hôpital face à son épouse qui lui parle sans le toucher, alors que l’on attendrait à ce qu’elle lui baise le front, ou lui tienne la main. Ce type de contrainte influence fortement la mise en scène et le scénario. Pourtant, Sara, comme beaucoup d’autres films iraniens (Au travers des oliviers de Kiarostami par exemple), parvient à contourner cette censure en mettant habilement en scène une histoire audacieuse.