Sangue vivo s’articule autour de ressorts scénaristiques simples, voire banals : deux frères, Pino et Donato, en froid depuis la mort de leur père et une sous-intrigue policière aux allures de psychodrame de village (le premier est trafiquant de cigarettes, le second s’enfonce dans la drogue et les magouilles locales). L’intérêt de ce film est ailleurs : dans la description d’une terre méconnue, le Salento (dans les Pouilles, au plus profond du Sud-Est de l’Italie) et dans la découverte de sa grande tradition musicale. Ce qui unit les deux frères, c’est l’amour de la pizzica, danse compulsive cousine de la Tarentelle, où se mêlent au rythme frénétique des tambourins les déhanchements voluptueux et cathartiques de danseurs proches de l’état de transe.
Si l’intrigue du film reste assez commune, on trouve dans Sangue vivo une extraordinaire propension à décrire la puissance sensuelle de cette danse ancestrale. Les scènes musicales, qui s’étendent souvent à l’infini et rythment le film, permettent de rapprocher les deux frères ennemis. La chute dans la drogue de l’un deux ne s’inscrit pas dans une volonté de « polardisation » un peu bâtarde de l’histoire comme en fleurissent tant dans le jeune cinéma français, mais contient en elle une charge métaphorique très judicieuse. A une scène de danse succède une scène de shoot : la descente du plus fragile des deux frères engage une perte de repères et l’échec de sa tentative d’affranchissement vis-à-vis de ses racines profondes. Au contraire, le plus âgé des deux est un musicien reconnu qui tentera de redonner à son frère les moyens de remonter à la surface : retrouver ses origines en exploitant lui aussi ses talents innés de musicien.
Ce film sans prétentions montre les choses sans les dire, à travers une mise en scène tout à la fois sensorielle et suggestive. La musique, les chants, les danses apparaissent comme les parades et détournements d’un récit ouvert sur une sorte de néo-réalisme purement musical. Sa belle photo ensoleillée et vigoureuse, comme le simple fait que les acteurs du film soient eux-mêmes des musiciens (presque) dans leur propre rôle, donnent à Sangue vivo le charme envoûtant et singulier des oeuvres profondément ancrées dans le propos simple et essentiel qui les mobilise.