Depuis Les Grands Ducs en 1995, Patrice Leconte n’a cessé de tourner, enchaînant les projets à raison d’un, voire deux par an. Alors que sort sur les écrans Rue des plaisirs, le cinéaste vient déjà de mettre en boîte son nouvel opus, L’Homme du train, avec Johnny Hallyday et Jean Rochefort. Pourtant, l’heure de la pause Kit Kat a peut-être sonné pour celui qui semble filmer plus vite que son ombre, bien souvent pour le pire…
Avec Rue des plaisirs, le style Leconte -un mélange plus ou moins bien assumé de je-m’en-foutisme généralisé et de savoir faire artisanal- atteint son paroxysme. Pour celui qui avoue ne jamais se documenter sur l’époque de son film, le sujet importe évidemment peu pourvu qu’il puisse y greffer quelques grandes idées de son crû. Ici, c’est la fin pittoresque des bordels qui nous est racontée à travers l’histoire de Marion (Laetitia Casta), jeune prostituée protégée par P’tit Louis (Patrick Timsit). Ce dernier, amoureux transi, poussera l’abnégation jusqu’à lui faire rencontrer le grand amour en la personne du fantasque Dimitri (Vincent Elbaz). Chez Patrice Leconte, les bordels sont forcément des petits coins de paradis au regard des misérables trottoirs sur lesquels sont obligées de déambuler les prostituées d’aujourd’hui. Ce n’est pas tant cette hypothèse qui nous dérange mais bien plutôt la manière dont Leconte la met en scène dans une espèce d’outrance hystérique et d’érotisme en goguette. Ne prenant pas la peine de dessiner psychologiquement ses personnages qu’il réduit à l’état de stéréotypes archi usités -la belle plante, le brave type et le jeune premier insolent-, Patrice Leconte a bien dû mal à nous emmener au bout de son histoire qui flirte aussi avec le mauvais polar à travers l’épisode rocambolesque du trafic de cigarettes américaines.
Conçu comme une sorte d’hommage au réalisme poétique des années 40, dont il reprend quelques motifs et situations célèbres, Rue des plaisirs est un film creux, un objet cinéphilique qui fleure bon le panégyrique rétro. Patrice Leconte y met en scène son amour pour le cinéma de Duvivier, Allégret, Grémillon et Becker sans toutefois leur rendre vraiment honneur, se contentant de quelques citations à l’usage des initiés. Film sans consistance ni âme, Rue des plaisirs reste constamment dans l’apparence et la facilité d’un scénario qui multiplie les raccourcis artificiels ; agaçante et futile démonstration de laquelle ne ressort finalement que la confiance excessive de Patrice Leconte en la puissance -depuis longtemps obsolète- de son insipide manège des passions.