Non, Riviera n’est pas l’adaptation du soap des années 90 qui fit les belles après-midi gérontologistes de TF1, mais le nouveau film d’Anne Villacèque (Petite chérie), qui se verrait bien le nouvel enfant terrible du cinéma hexagonal. Sa signature ? Une mise en scène cotonneuse et chaloupée, entre hypra-réalisme social et éblouissement graphique qui marche sans complexe sur les plates bandes de Claire Denis ou d’Abel Ferrara. Grosse ambition, c’est clair, mais Villacèque fait chou blanc. La faute à sa complaisance chronique à flatter l’inconsistance, comme si les clichés suffisaient à se sublimer eux-mêmes, et surtout, à son incommensurable prétention qui malmène la fragilité du film et le caractère implacable de sa fable. Parce qu’attention, ça ne rigole pas au pays des cigales et des paillettes. Les pépées ont beau émouvoir les hommes par leurs formes voluptueuses sur les podiums de striptease, elles vont direct à l’abattoir à cause de ces salauds de machistes et de ce monde sans pitié où chacun fait payer à l’autre sa misère sociale.
En même temps, ce regard d’enclume est relégué au second plan par la mise en scène qui, bien vite, se concentre à saisir une émotion esthétique, un truc dans l’air : se laisser gagner par une foi extatique en la beauté des jeunes filles en fleur ou s’embuer pour le bleu Méditerranée. D’où cette forme archi-fardée, à base de longs plans lourds et clinquants, de postures aguichantes, surlignées par une sono qui fait grésiller les tympans. Mais qu’importe le manque de nuance, l’emphase fonctionne par K.O. : la manière dont le film saisit les immeubles de Nice comme de grandes stèles vertigineuses et plates atteint par instants ce flottement sensuel si recherché. Il suffit surtout du visage pulpeux de Vahina Giocante en pleine sulfureuse attitude pour que le fluide passe. Elle confirme qu’elle est bien l’actrice la plus animale du cinéma français, sinon la plus incandescente, comme si son corps se régénérait à chaque scène, jamais usé par la caméra. Si son personnage se cogne au registre Cosette new age, Giocante lui insuffle une aura magnétique du plus bel effet.
Seulement voila, la suavité des gogos danseuses reste une bouée de plomb pour le film poseur qui broute à tous les râteliers. Et qui n’échappe pas au naufrage pressenti : dispositifs étirés jusqu’à plus soif (la mère et la fille qui ne communiquent que par téléphone ; pendant 1h38, on a compris le message), naturalisme vain et pataud (surtout quand Elie Semoun s’y colle, entre performance du contre-emploi et revival sérieux de ses Petites annonces) qu’un souffle mégalo finit de rendre définitivement indigeste. Car si le film semble au départ se complaire dans le registre minimal, il s’engraisse à vue d’oeil, tapine vers la tragédie amoureuse matinée de polar ethnologique. Mélange des genres où la cinéaste perd pied : ça cabotine avec sérieux, l’abstraction se fracasse contre un réalisme servi sans conviction, et ça dénonce facile. Real TV et porno, même combat : il fallait oser.