La véritable histoire de Rintintin, berger allemand superstar de cinoche, recueilli par un soldat américain pendant la Première Guerre mondiale. Un biopic donc, avec folklore, naissance d’un mythe, le tout tartiné au Canigou et aux petits pots Danone. La guerre des tranchées se résume en une joyeuse compagnie de troufions cherchant gaiement âme qui vive sous les décombres. Bingo, un gentil aviateur dégote une famille de toutous planqués dans un trou d’obus. S’ensuit LE pic de suspense du film : « j’peux les garder commandant ? Hein, allez, dites oui ! – D’accord mon garçon, mais fais attention, c’est contraire au règlement ».
Ensuite ? La croissance de Rintintin (deux plans), l’adieu à sa famille (ellipse, le commandant s’est débrouillé pour recaser ses frères et sa mère), son affectation dans une nouvelle garnison (ouf, le colonel bossait dans un chenil avant la guerre), ses bêtises de chien-chien à son pépère, sa malice envers les cons (pisser dans le verre du méchant cuistot), sa bonté digne d’un Saint Bernard. Rien d’improbable donc, sinon la mise en scène, toute moisie, sans virtuosité ni affect, et, plus largement, le cynisme incommensurable de l’entreprise (dans les années 90, le producteur finançait des Van Damme). On est loin, très loin, du chef-d’oeuvre d’humanisme animalier.
En résulte une viandardisation du monde, réduit en grand bac à sable un peu crado : instrumentalisation absolue des personnages, baladés comme des pions (braves types contre gros porcs), à commencer par le chien lui-même dont les prouesses s’apparentent parfois à un numéro de foire limite humiliant quand par exemple, à la gare, on lui pose une casquette et on lui agite sa pa-patte. Le sommet demeure cette manière confuse, un peu malade, de jouer avec la scatologie : dans le compartiment d’un wagon, Rintintin s’oublie. Bruits et odeurs. Indisposition des passagers, amusement gêné du maître. Un basculement dramatique s’opère subitement. L’odeur de pet n’émanerait pas du chien, mais d’un gros monsieur visiblement ballonné, suant de honte. Scène-clé, incontestablement. La honte.