Revenge a décroché l’Oscar du meilleur film étranger, et son calibrage télé n’y est sans doute pas pour rien : réalisme besogneux, rythme équilibré, grammaire filmique rigide, des qualités de fabrication qui polissent l’image jusqu’à l’aplatissement complet. Pourtant, ce formatage tatillon était sans doute nécessaire pour compenser un scénario bariolé, ficelé avec une certaine audace. Au Danemark se joue une succession de petits drames autour de la violence ordinaire : suite à la mort de sa mère, un préado découvre la castagne vengeresse dans la cour de récré, bientôt rejoint par un acolyte plus timoré ; les parents hésitent entre pédagogie et observation impuissante. Heureusement, le festival de violons est entrecoupé d’escapades en Afrique, où le père d’un des deux gosses officie comme urgentiste sur un campement humanitaire ; là-bas, un tortionnaire éventreur de femmes enceintes terrorise les tribus.
Le parallèle Nord / Sud ainsi dressé est a priori balourd, mais il prend son sens au regard du contexte scandinave dépeint. Susanne Bier filme un peuple chamboulé par une crise du lien social, désarmé face au crime et à son châtiment. La fameuse quiétude nordique apparaît ici comme une dégénérescence, le fruit d’un étrange malaise ; à force de vouloir bannir les conflits hors de la cité, la nation est frappée par une forme de passivité générale, à laquelle s’ajoute un désir frustré de revanche. Malgré un souci didactique un peu étouffant, le film laisse une place à la complexité, brouillant les frontières entre crime prémédité et légitime défense : la justice sauvage rendue par les deux collégiens est aussi bien un dérapage scabreux qu’une prise de conscience salvatrice.
La greffe de l’intrigue africaine sanguinolente au beau milieu du mélo occidental brouille encore davantage les cartes. Le déplacement géographique met à l’épreuve l’idéal de justice et le pacifisme têtu du médecin suédois, tordant ainsi, pour un instant au moins, la leçon de morale qui se profilait. Ces moments de doute, d’hésitation entre pardon et coup de grâce, donnent au film une dimension trouble plutôt intéressante. Dommage qu’il cherche constamment à fourguer ses double-rations d’empathie, et s’achève comme le cours d’un prof d’éducation civique plein d’humanisme, si sympa qu’il en serait presque louche.