Le cinéma est soumis à une double mission : critiquer le monde tel qu’il est et faire voir un monde meilleur. Et la comédie est le genre cinématographique qui se prête le mieux à concilier ces deux missions. Or, le film de Jean-Paul Salomé, Restons groupés, ne remplit aucune des deux tâches, ou plutôt, s’acquittant mal de l’une, il manque à la seconde. Je m’explique. Le film raconte les tribulations d’un groupe de touristes embarqués dans un tour des États-Unis et dont l’agence à malheureusement fait faillite. Le tort de ce film n’est pas tant de faire reculer le cinéma d’une bonne cinquantaine d’années que de faire avancer la bêtise d’autant. Pourquoi nous imposer ces personnages stéréotypés et qui n’existent que dans les cerveaux embrumés de clichés de scénaristes de bas étage ? Pourquoi essayer de faire vivre des personnages en appuyant toujours plus leur trait typique ? Mais laissons ici parler les exemples : deuxième minute du film, le personnage du beauf près de ses sous : « Putain d’bougnoules, mon fric ! ». Trentième minute : « Mon fric, putain d’bougnoules ! ». Au bout d’une heure : « Mon fric, mon fric, vous aurez pas mon fric ! ». Quelle délicatesse monsieur Salomé, quelle fine observations des mœurs du français moyen. Evidemment je ne vous livre là que quelques exemples. A vous d’imaginer la suite avec le black sportif, la nymphomane, le vieux communiste, la psychologue…
Mais les choses ne s’arrêtent pas là, loin s’en faut. Car monsieur Salomé à décider de poser un regard critique -non, non pas sur son scénario, rassurez-vous- sur sa joyeuse bande. Et par qui est-il incarné ? Par la jeune journaliste branché, Emma de Caunes en personne. Le rôle critique que tout réalisateur digne de ce nom aurait alloué à la mise en scène (Hawks ou Billy Wilder par exemple), Salomé préfère le léguer à sa journaliste dont la composition consiste durant toute la première partie du film à se moquer de ses congénères.
N’étant pas à une contradiction près, nos scénaristes nous réservent dans le dernier tiers du film un grand retournement de situation. Les personnages qui apparaissaient tous plus détestables les uns que les autres deviennent tout à coup des être adorables. Mais que s’est il donc passé ? Nos gais lurons ont-ils changés le moins du monde ? Non, mais les ennuis rapprochent paraît-il…
Pour conclure sur le brillant opus du futur Poiré du cinéma français, et pour sacrifier à l’esprit scientifique de notre temps, on dira que : Stéréotypes + critique sociale + voyage organisé + bonnes grosses blagues + romantisme à l’eau de rose x Jean-Paul Salomé = la plus mauvaise comédie française de l’année. Non franchement, si vous voulez vraiment rire allez plutôt voir My Name is Joe du grand auteur comique d’outre manche, Ken Loach.