Sorti dans la foulée du bashing viral subi récemment par Mélanie Laurent, Respire va décevoir les haters : ce n’est pas le navet total qu’ils avaient espéré. Néanmoins, cette copie de bonne élève très appliquée confirme que le montage vidéo en question avait vu juste au moins sur un point : l’actrice-réalisatrice pêche un peu par excès de zèle. L’histoire : Charlie (Joséphine Japy) est une lycéenne lambda et asthmatique, qui se prend d’affection pour une nouvelle venue, Sarah (Lou de Laâge). Mais leur amitié saphique tourne au vinaigre lorsque cette dernière se révèle perverse narcissique et mythomane, bien décidée à malmener la mollassonne Charlie et à s’en servir comme tête de turc.
Il n’y a pas besoin de chercher beaucoup pour situer l’imaginaire du film. La banlieue pavillonnaire anonyme où Laurent installe son récit évoque d’emblée le topos du cinéma indépendant américain, dont le folklore esthétique est omniprésent. Balade dans des champs de blé baignés d’une lumière orangée, lens flares contemplatifs et jeunesse Levi’s : les ingrédients de Respire composent un tableau qui fleure bon l’auteur Sundance (la critique outre-Atlantique semble d’ailleurs avoir avalé sans broncher). Mais Mélanie Laurent, élève aussi appliquée que fayote, n’oublie pas de payer son tribut au cinéma français, à commencer par Kechiche. La vie de Charlie a de faux-airs de celle d’Adèle, depuis la chronique d’une relation sous tension jusqu’à l’apparition d’un hang, cet instrument de musique qui sert de bande-son au film de Kechiche. Sauf qu’on est loin, évidemment, de la démesure de la mise en scène de Kechiche, et que les émotions revendiquées ne dépassent jamais le stade d’un jeu de rôle gentillet.
En lançant ses lignes dans toutes les directions (la famille, le thriller psychologique, l’amitié féminine, la jeunesse), la réalisatrice fait parfois une pêche honnête, notamment du côté de la direction de Lou de Laâge en garce, ou de la bienveillance à côté de la plaque de la mère de Charlie, jouée par Isabelle Carré. La physionomie de Respire n’e reste pas moins crispée par son volontarisme et son esprit de sérieux, qui prête naturellement à la parodie. Le film est par moments à deux doigts du sketch – un sketch qui pourrait s’appeler « Pète un coup, Charlie » et reprendrait le protocole de Respire au détail près, sous la même patine Comptoir des cotonniers. La fin choc, particulièrement ratée, n’aurait pas besoin de retouches. Le sketch, en revanche, saurait peut-être repérer ce que Mélanie Laurent, piètre psychologue, ne fait qu’entrevoir: que la vraie perverse, c’est bien la victime Charlie, et que celle-ci mérite quelques unes des claques qui lui sont distribuées.