La légende de Billy the Kid méritait bien un documentaire. Pas celui-là. Ce reportage customisé aux gadgets poético-esthétiques court plusieurs lièvres sans jamais en attraper un seul. Il y a d’abord un quart d’heure polémique, disséminé mollement entre deux rappels biographiques : Pat Garrett aurait sciemment laissé filer le kid qui, d’après les rumeurs, aurait tranquillement fini ses jours dans les années 30 dans un état voisin du Nouveau Mexique. Les apôtres de la version officielle crient au scandale, entendant préserver l’activité économique de leur musée et laver l’honneur du shérif emblématique. Deux Amériques s’affrontent depuis la nuit des temps, pense alors tout haut la documentariste Anne Feinsilber, les démocrates kidiens et les républicains garrettophiles. Mais Billy est surtout un poète à Winchester, une jeunesse occise par la passion brûlante de la liberté et des grands espaces. Un Rimbaud américain, osons-le tout net. D’où le « requiem » avec lectures gourmandes de vers par Arthur H (en v.f.) / Kris Kristofferson (en v.o.) dans la peau du fantôme du very young cow-boy.
Même un bonus DVD a plus de coffre que cette sérénade édifiante qui se cogne sans cesse sur le clinquant ripoliné des clichés. Car Feinsilber préfère la posture au travail bien fait, l’évanescence à l’investigation. Rarement un documentaire n’a fait aussi peu confiance au réel, encore moins au récit. L’information est constamment délaissée pour un tout à l’allégorie alambiquée ou nigaude. Les intervenants par exemple, toujours filmés pour ce qu’ils représentent au sens esthétique le plus bas du front : des tronches de cow-boys, un écho contemporain au passé (leurs échappées en bagnole en grand angle, avec nature sauvage et soleil couchant), une ploucitude mythique pour touristes vaguement raffinés. Peu importe ce qu’ils ont à dire, qui ils sont au-delà du stetson : le film arrache leur propos et les sample dans un long clip pittoresque.
On ne raconte pas ici, on se la raconte. D’enquête, le film se contente alors de recycler la Billy attitude et en vient naturellement au cinéma : des extraits du Gaucher et de Pat Garrett et Billy le kid servent d’illustrations biographiques. Feinsilber s’attarde un peu plus sur le film de Sam Peckinpah, et le docu de virer en making off qui ne se l’avoue pas. Kristofferson raconte qu’il adorait le personnage et le scénariste Rudolph Wurlitzer balance un chapelet d’impressions pontifiantes sur la fin des illusions du nouvel Hollywood, l’amertume de Peckinpah, un Billy des seventies qui craignait que le système ne le transforme en réac’ façon Garrett. Paradoxe et non des moindres, qui finit d’assigner Requiem for Billy the kid en worst of de la parlotte chic et feignante : alors que l’histoire surfe sur le mythe, le cinéma se trouve platement désossé.