Après Sub le mois dernier, René O. est un nouveau programme sorti en salles (enfin, une seule) par l’association Point Ligne Plan, qui depuis plusieurs années permet la diffusion de films disons, et pour faire formule, à la frontière entre cinéma et art contemporain. D’autres sorties sont prévues dans les prochains mois, ce qui est une bonne nouvelle, mais on ne peut que regretter la lilliputienne diffusion de ces films, coincés sur un seul écran parisien (celui de L’Entrepôt, dans le 14e). Il faudra attendre, pour une exposition un chouïa plus large, une rétrospective que Point Ligne Plan prépare pour mai au Centre Pompidou.
René O., présenté au FID de Marseille, est un documentaire, forme emblématique de ce rapprochement entre cinéma et art contemporain, ou plutôt point d’entrée usuel pour des vidéastes venus du champ des arts plastiques se frotter à la durée, à la temporalité propre au cinéma. Dans le programme projeté à L’Entrepôt, le moyen-métrage René O. (58 minutes) est précédé d’un court-métrage de 16 minutes presque moins long que son titre, lequel n’est rien moins que celui-ci : Soudain soulever la poêle au-dessus de sa tête, allumer comme possible la cigarette au brûleur. Dans ces deux films américains (ou plutôt : tournés aux Etats-Unis), il y a cette jouissance immédiate d’un support précaire : le 16mm dans le court-métrage, la mini-DV dans le moyen-métrage. Supports dont le défaut technique fait tout le prix, qui voisinent dans la précarité en ce sens que, visionnés l’un après l’autre, les deux films font sentir une analogue texture, une patine belle et accrocheuse : le peu de lumière captée par la mini-DV, la pulsation pelliculaire du 16 mm.
René O. est découpé en deux parties : d’abord, le trajet en caméra embarqué d’un homme dans son van, jusqu’à la destination banale d’un supermarché, où il ne s’agit de rien de plus que de s’approvisionner en victuailles diverses. Puis le film se pose dans le restaurant tenu par René qui, attablé, fait le mélancolique récit de sa jeunesse festive et nomade. René retrace l’itinéraire qui le mena, des années durant, à travers des villes américaines, en quête de lieux et de nouvelles connaissances parmi la communauté gay et noctambule. Le film est simple et beau, et ses discrets artifices (une manière de désynchroniser de temps à autre la parole et l’image) invitent à mesurer ce qui, dans le flux du souvenir autobiographique, s’agrège et se perd.