La formule va de soi, elle est connue. The Rocky horror picture show l’a pérennisée. Fabrication du film culte en deux temps trois mouvements : prenez un sujet a priori peu disposé à être traité en chansons, pratiquez la grosse déconnade avec le plus grand sérieux, rajoutez une bonne dose de kitsch et de too much. C’est prêt, et parfois ça marche. A peu près. Pas trop regardant, on passera un assez bon moment devant Reefer madness, comédie musicale loufoque adaptée d’un film de propagande homonyme datant de 1936, prévenant les braves citoyens US des dangers d’une drogue nouvellement arrivé sur l’immaculé territoire américain, une drogue aux effets diaboliques sur la pure et tendre jeunesse du pays : la marijuana. Sponsorisé par Hearst, le film était si aberrant, avec ses personnages tournant maboul à la moindre aspiration de cigarettes qui font rire, que des petits malins ont eu l’idée de pousser le bouchon un peu plus loin en en tournant un remake après que Reefer madness ait été monté en show avec succès off Broadway.
Le film est une comédie musicale un peu lourde par endroits mais très sûre d’elle-même, ne se refusant à peu près rien, laissant parfois un goût de trop plein à l’image. C’est sensible lors de chorégraphie un rien étouffante comme celle des zombies ex-fumeurs de Marie-Jeanne qui débarquent en tas dans le premier numéro dansé du film, chiffonnant l’image de tant de corps à l’écran. Autour d’un récit à l’origine édifiant -la déchéance enfumée d’un jeunôt un rien benêt avec raie sur le côté- Reefer madness agglutine des interludes chantés parodiques, dont le point d’orgue est une kitschissime chorégraphie dans un paradis transformé en cabaret type La chance aux chansons. Introduit par Jeanne d’Arc, Jésus y descend de croix, abdos huilés, santiags et micros couverts d’or, pour chanter d’une voix non moins dorée les vertus de la prudence. C’est assez drôle, ça ne mange pas de pain, et cette caricature du crucifié tombe à pic dans la mare de notre époque marquée par une épouvantable régression moyenâgeuse, plus inquiétante bien sûr que le puritanisme Wasp certifié 30’s -notre époque à qui s’adresse évidemment Reefer madness.