Une histoire tordue d’initiation à la sexualité d’une pré-adolescente filmée avec filtres, ralentis, et chaleur mouillée par une réalisatrice néo-zélandaise. Jane Campion ? Perdu : Christine Jeffs. Pseudo ? Non. Clone ? Un peu. Les ingrédients de Rain, tous, s’inscrivent dans la molle lignée du campionisme, chemin qu’emprunte Christine Jeffs avec une sorte de candeur pleine de sérieux. Rain, avec sa bonne tête de vainqueur dans les festivals de cinéma indie (qu’il a écumés en nombre), vaut à peine pour ce qu’il est : film-sensible-sur-un-sujet-délicat, battu et rebattu, avec son ado un peu butée et sa grande acmé extatique. 1972 : Janey, 13 ans, est en vacances avec son papa (préoccupé de gazon, de pêche et de barbecue), son petit frère rouquin et sa maman, visiblement peu satisfaite de sa vie sentimentale et sexuelle, attirée par un beau photographe vivant sur un bateau. Janey s’aperçoit du petit manège en cours, commence à mettre du rouge à lèvres, à goûter des cocktails. Bientôt fascinée par le bel homme, titillée pour la première fois par des désirs inconnus.
De là, le film déroule son programme sans surprise, de l’innocence à la première fois, des vacances pas comme les autres, un souvenir précieux. Programme ponctué de coquetteries esthétisantes (les ralentis, les effets de lumière, le noir et blanc), afféteries qui voudraient dispenser leur auteur de style. Car enfin ce n’est pas un style, ça, que cette accumulation non pas à tout bout de champ, mais au contraire parcimonieuse, comme si c’était une marque -la marque des grands ?- de distiller quelques petits cailloux d’esthé-tic. C’est justement parce qu’il y en a peu qu’ils sont si déplaisants, voulant épater discrètement, ne pas trop en faire mais le faire quand même, et ce ne sont que mini-trucs, très vilains la plupart du temps.
Il y a plus agaçant. Ce dénouement en forme de drame sans rémission, qui, de facto, sonne comme une condamnation pure et simple des aventures de la mère et de la fille. La réalisatrice dirait que non, évidemment, mais alors c’est pire, de laisser courir ça par pure maladresse, parce qu’on maîtrise mal son embarcation, ou plutôt parce qu’on est trop occupé par sa « sensibilité » et la décoration enguirlandée de son film.