D’un film à l’autre, ce sont les mêmes, à quelques détails près : les mêmes acteurs, les mêmes personnages, et surtout les mêmes questions voire, hélas, les mêmes réponses. Là, Matthieu Demy a la trentaine, il est médecin, bourgeois, marié à Romane Bohringer, avocate. Il rencontre une chanteuse, s’aperçoit qu’il n’a pas retouché à sa guitare depuis dix ans, se dit zut c’est trop bête, quitte l’hôpital, tombe la cravate et reforme son groupe de rock. De Nos enfants chéris, le précédent film de Benoît Cohen, à Qui m’aime me suive, similaire examen de ce que c’est qu’avoir 30 ans ou un peu plus, des gosses, des responsabilités, des choix à faire. A toutes questions, Benoît Cohen n’a qu’une réponse : la vie buissonnière, la vie grave rock’n roll, l’escapade et surtout -formule magique d’à peu près tous les mauvais films- la poursuite du bonheur, qui est synonyme, comme toujours, de la non-trahison des rêves d’enfants. Cette recette-là, ce carpe diem du pauvre, cette éternité à hauteur de caniches (la formule n’a jamais tant convenu à un discours), ce ramollissement de la cervelle érigé en accomplissement métaphysique, c’est la lie de la pensée débandante distillée par les moutons gentils des films qui le sont tout autant, gentils. C’est dans toute sa splendeur le cinéma con qui se déverse à longueur de bobines chaque semaine sur nos écrans, et appelle -c’est lassant- toujours la même diatribe. Alors hurlent les mémés, et hurlent les fillettes, si l’on ose dire stop, basta cette idéologie défroquée qui a fait du concept « bonheur » et du concept » rêves d’enfants » son double étendard de tartuffe.
Mais personne n’a rien contre le bonheur et contre les rêves d’enfants, évidemment, ce n’est pas la question. C’est d’ailleurs un premier grief. Ces films-là (on ne les cite plus, il y en a trois par semaine) disent : il faut chercher le bonheur et ne pas trahir ses rêves d’enfants. Et ? Et quoi ? Ils diraient : « l’eau, ça mouille », ou bien « se cogner le petit orteil contre le pied du lit ça fait mal, aussi il vaut mieux éviter », on ne serait pas plus avancé. Règne de la tautologie, grand malheur de notre temps. Le bonheur, c’est une grande idée. L’enfance, c’est un grand thème. Certains grands films en parlent, mais sans bégayer, sans se satisfaire de truismes. Ensuite, tout cela n’est que publicité, réclame : quelle différence entre ce discours-là (c’en est devenu un) et une pub pour les assurances-vie ? Nulle, ça dit la même chose, ni plus ni moins, mais ça vend. Le bonheur, c’est l’argument de vente numéro un de notre époque, mais c’est surtout un concept parfaitement vide, un package de chiffe molle, le dernier recours, pour exister, de ceux qui n’ont rien à dire. La meilleure preuve, c’est que tous les films qui bavent sur la quête du bonheur (des fois qu’il nous viendrait à l’idée de rechercher le malheur comme des couillons) sont mauvais, tout simplement nuls : affreusement filmé, maladroit et balourd dans l’écriture, mal joué et plein à craquer de clichés (le musicos, son pantalon en cuir, ses bagouzes, son chapeau), démago en plus : Qui m’aime me suive en est un parfait exemple.