Une espionne sympa réunit deux enfants naturels d’un vieux complice et les emmène à Venise pour y rencontrer leur mystérieux père, vache sacrée des services secrets reconverti en poor lonesome cowboy depuis la fin de la guerre froide. Trois difficultés : le père est traqué par un tueur philosophe, les enfants, une Française et un Américain, ont du mal avec leur nationalité respective et le 11-Septembre assombrit l’horizon. Quelques Jours en septembre, premier film du scénariste attitré de Klapisch, dit bien la difficulté générale du cinéma français à s’emparer du cinéma de genre, entre trouées auteuristes et formalisme appuyé. Amigorena est besogneux, mais il a au moins l’honnêteté (ou la prétention) de ne tromper personne sur son compte. Intensions affichées dès l’ouverture : un plan en grande focale floute l’espace avant de laisser apparaître une Mercedes rutilante qui se dirige vers la caméra. Rapidement on comprend pourquoi : la myopie du cadre s’apparente à celle de Juliette Binoche qui une fois ses binocles sur le nez donne de la profondeur au champ. Attention concept.
Le reste est à l’avenant. Le film est constamment saucissonné, incapable de distiller plusieurs informations en même temps, s’en remettant à un maniérisme aussi creux qu’approximatif. D’autant plus pénible qu’il aimerait bien se conduire en objet libre. On parle anglais par-ci, on revient au franchouillard par-là avec une légèreté de brontosaure. Il faut voir comment Amigorena sue des litres pour des broutilles, voulant sans doute insuffler une identité partout. Posture ostentatoire parmi mille autres : un réceptionniste d’hôtel parisien juste là pour donner deux-trois clés et recevoir une balle dans la tête, joue la gouaille maximum, détournant la scène de sa fonction narrative. Bref, on tangue entre honte du cinéma du genre et revendication superflue de l’exception culturelle française.
Le thriller est donc rapidement délaissé pour une étude de caractères allant du grandiloquent (rapports incestueux du frère et de la soeur, shocking) au simplet récréatif. C’est surtout sur ce dernier point qu’Amigorena se lâche enfin, très à l’aise pour filmer les bavardages sur la rivalité franco-américaine, les dragues dans un bistrot ou les batailles de poulpes au marché au poisson. Il semble alors édifier un idéal de consensus entre comique bonne franquette-top délire, relecture CE2 des règles d’or de la Nouvelle Vague (tourner dans la rue les petits riens de la vie) avec la caution grande classe garantie par Venise et les accents anglo-saxons du casting international. Quelques jours en septembre n’a finalement jamais été un polar mais un espéranto de la culture world. Echangeons nos patrimoines, distinguons le bon peuple de leurs dirigeants et compatissons tous ensemble à la douleur du monde en partageant un Tiramisu. Tu as bien retiendu la leçon ? (Les Inconnus, C’est ton destin, 1991).