Malgré quelques gros boulets à ses pieds et l’atroce L’Exorciste : au commencement, Renny Harlin demeure une figure sympathique d’Hollywood. C’est ce que confirme Profession profiler, film en rase-mottes flirtant avec le grotesque mais qui témoigne de l’incroyable grinta ludique du réalisateur. Scénario de CM2 : une classe d’apprentis profilers se retrouve, en fin de cursus, isolée sur une île désaffectée avec pour épreuve un exercice (traquer un faux serial-killer) qui se transforme en cauchemar. Les meurtres, bien réels, sèment la panique dans le groupe. La littérature, pour Harlin, ne va pas plus loin que les romans de gare héritiers de « Dix petits nègres » : whodunit primaire, rythme blindé et psychologie de carnaval.
Profession profiler renvoie à la meilleure veine du cinéaste, celle des Driven et autre Peur bleue, un cinéma à la virtuosité d’ivrogne, où les grosses ficelles et l’absence presque totale de complexité transforment le film en sprint baroque et dégingandé. Drôle de mouvement : d’un côté un scénario raide comme un carambar, de l’autre un récit huilé à merveille. Chez Harlin, les plus gros morceaux, les blocs de marbre du récit passent à la moulinette de la cinétique, un câble à haut débit où tout se digère en une fraction de seconde : ici les invraisemblances concernant le timing délirant du tueur, là un finale en roulés-boulés digne d’une cour de récré. Il s’agit toujours d’avancer, de franchir les niveaux et les scènes en une aisance étincelante. Rien de plus important que la forme (au sens de la pèche, de l’énergie et de la vitalité), le fond n’a presque pas importance.
D’où cette impression, finalement asse rare, que tout est possible : cinéma de l’exploit permanent, se permettant les pires outrances scénaristiques sans que rien ne résiste à l’élan de sa fantaisie. Il y a là une certaine grossièreté, beaucoup de grumeaux, mais aussi une maîtrise du tempo excessive de précision (ce que radicalise le programme des meurtres annoncés à la minute près). De quoi composer une grosse attraction de foire au design futuriste, euphorique mécanique d’adrénaline. Le programme est parfaitement rempli, absolument décomplexé, et s’il n’atteint pas des sommets d’intelligence, il parvient à dégager la notion de popcorn movie de ses habituelles graisses. Ainsi soumis à son statut de pure machinerie, Profession profiler rayonne durablement, bête et superbe de simplicité.